Contentieux foncier et domanial : Que peut faire le Mindcaf pour changer ?

Le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières a mené deux jours de réflexion du 17 au18 août dernier à Yaoundé à l’effet de repenser les textes juridiques actuels  en la matière…    

Les réflexions ont été lancées par le ministre Jacqueline Koung a Bessiké, secondée par son secrétaire général Urbain Noël Ebang Mvé, en présence du  ministre du Développement Urbain et de l’Habitat, Jean Claude Mbwentchou.  Le thème « La maîtrise du contentieux foncier et domanial au Cameroun : quels problèmes, quelles solutions ». La Mindcaf a souligné d’emblée, qu’il était question de procéder à une « analyse sans complaisance des textes, de la jurisprudence et des pratiques » en matière d’application du droit foncier et domanial au Cameroun. Mais au-delà de cela, il est question aussi de poser les jalons d’une réforme de la règlementation liée à la terre. Actuellement, au Cameroun, il est soutenu que le contentieux des domaines et du foncier avoisine les 85% du contentieux enrôlé au niveau des greffes des juridictions administratives et 65% de ceux des juridictions judiciaires.

C’est une approche coordonnée que le Mindcaf a choisie en intégrant les acteurs venus de divers horizons mais impliqués d’une certaine manière dans la gestion de la question domaniale et foncière. Aussi, en plus des universitaires à l’instar des Professeurs Minkoa Shé et Etienne Kenfack, le ministère de la Justice a été mis à contribution par le biais de magistrats associés aux débats, de même les professions auxiliaires ont été associées à l’instar de la Chambre nationale des Huissiers de Justice et l’Ordre national des Avocats du Cameroun.

FLOU ET RÉFORME

Les facteurs qui ont poussé les acteurs à se mobiliser sur la question foncière ont été soulignés au cours des échanges. Les règles juridiques en la matière sont plus que floues et les procédures sont éparses et manquent souvent de visibilité, le non-respect des rôles et compétences des acteurs impliqués, le non-respect des procédures par les experts, ce à quoi, il faut ajouter des situations déplorables tels que le dol administratif et la corruption. En matière foncière et domaniale, on rencontre en somme les contestations des droits sur les terrains immatriculés ou non  comme les doubles ventes, l’accaparement des terres, la contestation des limites de terrains, les occupations anarchiques ou encore les litiges portant sur les superpositions ou les empiètements.

Les usagers sont donc résolument en face d’un contentieux complexe, comme l’a fait remarqué le professeur Pierre Etienne Kenfack exposant sur la complexité du contentieux foncier. Exemple à l’appui : « Certaines règles de fond du droit ont une influence sur la complexification ou la dé-complexification du contentieux foncier. La plus évidente est l’article 2 du décret 76/166 du 27 avril 1976 modifié par le décret 2005/481 qui dispose « toute personne dont les droits ont été lésés par suite d’une immatriculation n’a pas de recours sur l’immeuble, mais seulement en cas de dol, une action personnelle en dommage et intérêt. L’action est portée devant la juridiction civile du lieu de situation de l’immeuble », souligne l’universitaire. Celui-ci va ajouter que ce texte complexifie le contentieux en faisant intervenir la juridiction civile dans une procédure qui aurait dû rester administrative, il décharge les responsables de l’administration de toute activité de contrôle de la régularité de l’établissement des titres fonciers, ce qui est surprenant dans le ressort de la même circonscription.

Comme moyen de rééquilibrage, les recours administratifs sont ouverts aux usagers. «  Le règlement des litiges fonciers et domaniaux relèvent de la compétence de trois principales instances que sont notamment : la commission consultative, les Gouverneurs de région et le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières », a expliqué Jean Marie Vianney Bendegue qui est l’inspecteur général du ministère chargé des Affaires Foncières.

Pour esquisser une réflexion porteuse, les exposés et les débats se sont articulés sur les causes du contentieux foncier et domanial expliquées par le chef de la cellule des Etudes et de la règlementation du Mindcaf, Clément Tjomb. Ce dernier a proposé quelques recommandations « la maitrise en amont des causes du contentieux foncier et domanial permet d’endiguer voire réduire considérablement les litiges fonciers et domaniaux. Pour ce faire quelques recommandations nous semble utiles : Il faut renforcer les capacités des personnels, maitriser les textes en la matière, informatiser le cadastre. Il faut numériser les plans, renforcer la composition de la commission consultative. Il faut également activer les commissions de surveillance des terrains domaniaux » a-t-il posé.

La question des voies de recours en matière de contentieux foncier et domanial a également été abordée sous la  houlette de Jean Marie Bendengue. Les acteurs et la complexité de ce double contentieux ont tour à tour été examinés. Les enjeux de la question de la gestion du contentieux ont par ailleurs été auscultés à l’aune du rôle du cadastre et du management dudit contentieux mais aussi des délais et des coûts des procédures et de la réduction des volumes des affaires y relatives.

M. Cornelius Fru Shu Azieh  qui n’est autre que le conseiller technique N°2 au Mindcaf, a présenté les armes de l’amélioration du management du contentieux foncier et domanial. « L’Administration a mis sur pied plusieurs mécanismes pour relever le défi du management du contentieux domanial et foncier par la création des Services Régionaux des Affaires Juridiques et l’informatisation du système de suivi et traitement du contentieux », a-t-il confié. Ce cadre a reconnu que la gestion du volumineux contentieux au Mindcaf appelle à la mise en place de mécanismes internes de suivi du traitement des dossiers, aussi a-t-il été présenté l’ outil « Dossix-Book », système d’informatisation de l’ensemble du traitement du contentieux. Il est envisagé un système d’alerte qui rappelle le délai imparti pour le traitement des dossiers à tous les nivaux de la chaîne pour un meilleur encadrement. Le Dossix-Book présente plusieurs fonctionnalités au rang desquels « une banque de données sur la gestion du contentieux  domanial, foncier et patrimonial ; une fonction statistique ; un système d’alerte (des cadres) de la hiérarchie pour le traitement des dossiers ». D’autre part,  le conseiller a découvert l’impérieux besoin d’un encadrement du contentieux par des délais stricts. « L’Etat est tenu d’agir dans les délais légaux à défaut d’être condamné par la juridiction de l’ordre administrative pour forclusion, d’où la nécessité  de la maîtrise du système du traitement du contentieux à tous les niveaux ».  L’on sait d’ailleurs dans la foulée, que trois ateliers sont revenus sur les voies et moyens de parvenir à la réduction du volume des affaires et de la rationalisation des voies de recours, la simplification et la réduction des coûts et des délais de procédures et aussi la maîtrise des dysfonctionnements du cadastre.

Dans cette occurrence, il a été posé au sujet du management du contentieux domanial et foncier combien les délais parfois sont très courts. « Nous avons les procédures conservatoires qui varient entre 5 jours et 15 jours. L’Etat est tenu d’agir dans les délais légaux à défaut d’être condamné pour forclusion. Or le volume des dossiers estimés à 300 par mois rend la tâche très difficile pour le Mindcaf. D’où la nécessité d’envisager un traitement spécial des délais en matière foncière et domaniale. Ceci nous appelle à une révision des lois et textes réglementaires en ce qui concerne les délais de traitement des dossiers foncier et domanial ».

Willy Zogo    

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