Editorial N°17

Pour un  jeu politique sain et équitable

Par Alain Denis MBEZELE

La récente actualité politique au Cameroun fait état de l’Assemblée Nationale qui est en session extraordinaire pour débattre d’un sujet à rebondissement : le code électoral. Le projet de loi du Gouvernement a été préalablement déposé à la fin de la première session ordinaire de l’année (mars 2012), mais les représentants du peuple ont sollicité et obtenu une session spéciale. Ce qui laisse penser que le sujet est d’une importance capitale aussi bien pour l’exécutif que pour le législatif. Nul n’ignore la vive polémique qui entoure ce sujet au Cameroun depuis le retour au multipartisme en 1990. Autant le pouvoir en place se montre circonspect quant à la problématique de la mise en place d’un code électoral moderne et consensuel, autant les forces politiques opposées au régime, font preuve d’un certain entrain frisant le radicalisme à chaque évocation du sujet. Pourtant le fait est là, les députés de la Nation sont en ce moment focalisés sur l’analyse du projet de loi portant code électoral au Cameroun, une grande première qu’il faut saluer. De même qu’il importe de lancer un œil interrogateur sur le contenu de ce texte qui pourrait donner lieu à une grande évolution. D’abord, ce code électoral s’il est adopté, sera unique pour toutes les élections au Cameroun, municipales, législatives, sénatoriales etc. C’est une très grande innovation, tout comme l’introduction de la biométrie, le système de bulletin unique,  le changement du cautionnement pour chaque élection. Ainsi, pour la présidentielle, la caution passe de 5 000 000 à 30 000 000 FCFA, les législatives de 500 000 à 5 000 000, les municipales de 25 000 à 100 000 FCFA.


Alors, cette actualité suscite bien évidemment une question fondamentale. Quel facteur a contribué à annihiler la réticence séculaire du régime Biya vis-à-vis de cette revendication forte de certaines forces politiques nationales et internationales qu’est le code électoral ?
L’on se souvient que de toutes les réclamations politiques au Cameroun ces deux dernières décennies, le code électoral est la principale préoccupation. Depuis 1992, des propositions de lois ont été émises par des formations politiques telles que l’UNDP, l’UDC ou encore le SDF allant dans le sens de la mise en place d’un code électoral consensuel. Mais en vain. En guise de réponse, le pouvoir en place a procédé à une sorte de lâcher du lest à dose homéopathique. D’abord, l’Observatoire National des Elections (ONEL) a été créé suivi de quelques variations légères, puis on a aboutit à la mise en place de Elections Cameroon (Elecam) qui vient de coordonner la dernière élection présidentielle avec des couacs unanimement reconnus. Certains ont même déclaré qu’Elecam était incapable de jouer son rôle. Voilà qu’à la surprise générale, un texte sur un code électoral prenant en compte l’essentiel des revendications des politiques et de la société civile, est proposé pour adoption aux députés. Un véritable revirement à 180° de la part du régime en place. Tenez, qui aurait pu croire qu’au Cameroun, on aurait des élections à bulletin unique, avec des cartes d’électeurs biométriques… exactement comme dans les démocraties les plus avancées. Certes, le code électoral en discussion actuellement à l’Assemblée, aurait pu faire l’objet d’un référendum pour parfaire le processus de son élaboration, mais ceci n’enlève pas grand-chose à la grande évolution politique en cours dans notre pays en cas d’adoption de ce projet de loi.
Il reste tout de même difficile de dire avec exactitude ce qui a amené le pouvoir à prendre en compte les préoccupations de l’opposition. Le pouvoir a-t-il subi quelques pressions de la part de lobbys internationaux ? Personne ne peut le dire. Mais on se souvient quand même que la Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton et son ambassadeur à Yaoundé, ont émis quelques réserves sur le déroulement du dernier scrutin du 9 octobre 2011. En France où la campagne pour l’élection présidentielle bat son plein, des voix discordantes s’étaient également levées pour apprécier le déroulement de la présidentielle camerounaise. Les forces politiques de Gauche ont été les plus percutantes contre le régime camerounais. Il faut notamment citer le cas de la candidate des verts Eva Joly qui en a fait une affaire personnelle en disqualifiant totalement le processus. Mais toutes ces pistes ne sauraient véritablement constituer des pressions exercées sur le pouvoir de Yaoundé. Peut-être que le Président Paul Biya estime qu’avec son âge actuel 79 ans, il est temps de faire un geste pour accomplir définitivement son vœu, de laisser à la postérité l’image de celui qui a apporté la démocratie au Cameroun en attendant la concrétisation de la prospérité. Le premier mérite de cette loi sur le code électoral est donc qu’elle élimine déjà les opinions qui imaginaient une succession familiale, voire dynastique au Cameroun. Au moins, à ce niveau, on est plus rassuré, l’alternance se fera après une âpre compétition par le biais de textes bien élaborés pour un jeu politique sain et équitable. Il est évident que votre journal reviendra sur cette innovation de premier plan dans l’arsenal juridico-politique de notre république.

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