La faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Dschang au Cameroun a servi de cadre à un colloque sur l'harmonisation du droit des contrats en Afrique dans le cadre de l'Ohada. Cette rencontre qui s’est tenue le 25 juin 2015 a ressemblé divers experts dont ceux venus des universités de Paris 2 et 13, partenaires à l’organisation.
Le professeur Alain Ghozi de l'université Paris 2, Panthéon-Assas, le professeur Cyril Grimaldi de l'université de Paris 13, et Pierre Emmanuel Audit, maître de Conférences à l'université Paris 2 ont fait le déplacement des hauts-plateaux du Cameroun pour discuter des contours sans cesse fuyants d’un cadre d’harmonisation du droit des contrats en Afrique. Mais aussi, dans leurs valises et en décor même du colloque, il y a avait le Diplôme Inter Universitaire (DIU) Juriste Ohada à présenter. D’emblée, sur le choix de la faculté de droit de l’Université de Dschang, le doyen hôte, Henri Désiré Modi Koko Bebey a expliqué que le « colloque est un choix concerté entre l’université de Dschang et les universités partenaires Paris 2 et 13, ayant eu l’opportunité de faire abriter le premier colloque du diplôme interuniversitaire en terre africaine, la bonne charité commençant par soi-même, j’ai directement pensé à notre faculté ». C’est dès lors de ce choix que procède la participation massive perceptible dans la salle des Actes de la faculté. Sous la présidence du doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Douala, Pr André Akam Akam et sous l’œil d'un représentant du secrétaire permanent de l'Ohada,le colloque qui s’est ouvert à 10h pour se terminer une dizaine d’heures plus tard a en effet drainé nombre d'enseignants et doctorants des différentes universités locales, du Tchad, de la RDC, de la RCA et de France. En même temps, cette rencontre se faisait l’occasion d’une réflexion appuyée sur les enjeux de l'harmonisation du droit des contrats en Afrique en général mais dans le cadre Ohada en particulier.
L’HARMONISATION SOUS LE PRISME DE L’OHADA
Cette boutade du Pr André Akam Akam : « J’étais un Ohada-sceptique, aujourd’hui je ne le suis plus » tenue au seuil des débats laissait déjà présager la couleur contradictoire des interventions des exposants quant à l’évolution des perceptions du contrat à travers l’Ohada. De fait, les professeurs de l'Université de Dschang, René Njeufack Temngwa, Yvette Rachel Kalieu Elongo et Henri Désiré Modi Koko Bebey, ont tour à tour présenté les contours de l’actualité de la question du contrat en droit Ohada. Il en est ressorti que, Les Actes uniformes Ohada en vigueur contiennent de nombreuses dispositions relatives à certains contrats spéciaux. Mais que les règles existantes sont souvent soit insuffisantes, soit lapidaires. En conséquence, elles ne sauraient constituer un véritable droit des contrats d'affaires. D'où la nécessité d'un Acte uniforme Ohada spécifique.
Le Pr Yvette Rachel Kalieu Elongo a exposé que de nombreux contrats d'affaires ne sont pas régis, ou ne le sont qu’en partie par les Actes uniformes Ohada en vigueur. Certains d'entre eux ne le seront sans doute jamais, en dépit des résolutions du Conseil des ministres de l'Ohada, du fait de la concurrence des droits communautaires tel que celui de la CEMAC ou de l’UEMOA. L’enseignante a alors évoqué le code de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance- CIMA qui encadre les contrats d’assurance. D'autres contrats mériteraient au contraire, selon l’exposante, d'être intégrés dans le champ naturel du droit des affaires de l'Ohada, en raison de leur objet spécifique et par une impérieuse nécessité qui en appelle même à l'élaboration d'un Acte uniforme Ohada sur les contrats d'affaires. Elle a notamment souligné que : « si certains de ces contrats nécessitent d’être modernisés, il y a que la modernisation ne passe pas forcement par l’harmonisation ».
La question de la méthodologie d’harmonisation des contrats dans le cadre de l’Ohada a aussi été soulevée. Si l'harmonisation du droit des contrats est un impératif, au regard des raisons sus-évoquées et de la recherche constante d'une meilleure sécurisation des transactions, il est tout aussi impérieux d'en cerner les contours méthodologiques et d'en définir le contenu. Cela implique d'opérer un choix entre plusieurs orientations possibles. S'agit-il de faire un Acte uniforme Ohada sur le droit commun des contrats ou sur les seuls contrats spéciaux ? Quel sera le critère du choix des contrats spéciaux à intégrer dans cet Acte uniforme Ohada spécifique, étant donné que certains contrats tels que la vente commerciale, le bail professionnel, le transport, la société, l'intermédiation commerciale, etc... ont déjà fait l'objet d'une réglementation, même incomplète, dans d'autres Actes uniformes Ohada? Ne faudrait-il pas alors s'orienter vers un droit commun des contrats spéciaux qui éviterait à la fois, le choix arbitraire des contrats à réglementer et le risque d'extension du droit Ohada aux contrats du droit civil ?
Dans le prolongement de la réflexion sur la méthode d'harmonisation, les travaux de l'après-midi relatifs à la technique d'harmonisation ont permis de présenter l'esquisse d'un droit commun des contrats spéciaux. Les communications ont été délivrées par Alain Ghozi, professeur à l'université Paris 2, Panthéon-Assas, Cyril Grimaldi, professeur à l'Université de Paris 13, et Pierre Emmanuel Audit, maître de conférences à l'Université Paris 2.
QUEL DROIT COMMUN POUR LES CONTRATS EN AFRIQUE ?
A partir de l'inventaire complet des règles contractuelles contenues dans les différents Actes uniformes de l'Ohada, les trois intervenants ont proposé une esquisse en treize points couvrant la formation, l'exécution et la fin du contrat. En prenant alternativement la parole sur les différents points retenus, Alain Ghozi, Cyril Grimaldi et Pierre Emmanuel Audit ont extrait de la carrière même du droit Ohada, un corps de règles susceptibles de constituer, moyennant quelques adaptations et compléments, le droit commun des contrats spéciaux de l'Ohada. Les échanges qui ont suivi les communications de l'après-midi ont permis de préciser les propositions relatives à la technique d'harmonisation du droit des contrats par l'Ohada.
Il s'agit, à travers l'approche méthodologique retenue, non pas de proposer un modèle d'Acte uniforme Ohada ou un avant-projet de loi-modèle sur les contrats spéciaux, mais d'insister sur la nécessité d'élaborer un tel avant-projet sur la base de l'existant, plutôt qu'ex nihilo.
En se basant sur des règles contractuelles déjà consacrées par l'Ohada, la méthodologie proposée garantit la cohésion d'ensemble du droit des affaires de l'Ohada ainsi que la cohérence du droit harmonisé des contrats spéciaux.
Les règles à élaborer constitueront le droit commun des contrats d'affaires et non pas un droit commun des contrats civils et commerciaux. L'« impérialisme » du droit des affaires de l'Ohada pourrait ainsi être maîtrisé.
Le rapport de synthèse du colloque présenté par le professeur Isidore Léopold Miendjiem de la Faculté des Sciences Juridiques et politiques de l'université de Dschang a quant à lui permis de mettre en exergue la triple contribution des travaux qui traduisaient une volonté perceptible de relancer le processus d'harmonisation du droit des contrats par l'Ohada, la nécessité d'adopter une méthode pertinente d'harmonisation et l'esquisse d'un droit commun des contrats spéciaux.
Lorsqu’entre chien et loup le colloque s’est achevé, il y avait de l’optimisme dans l’air de Dschang quant à l'aboutissement prochain de la réforme du droit des contrats de l'Ohada et le lancement envisagé du programme numérique du Diplôme Inter Universitaire - Juriste Ohada.
*Article proposé par l’émission tv CODE
(Comprendre l’OHADA et les droits de l’Homme Elémentaires)