Traiter les conflits autrement

L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) n’est pas une entité insulaire, elle subit la concurrence d’autres organisations régionales et internationales. Loin d’être toujours paisible, la cohabitation est souvent conflictuelle. L’OHADA, sur la gestion de ces conflits, a tenu à Lomé au Bénin, les 08 et 09 octobre 2010, un colloque. Un recueil, édité par un collectif recense des solutions concrètes…

Des conflits de normes et de juridictions entre l’OHADA et les organisations voisines planent tout au fil de la construction de son espace juridique intégré. Pour cette raison, les chercheurs africains et d’ailleurs se sont retrouvés à Lomé, au Bénin, pour envisager des solutions. Les actes du colloque de Lomé 2010 sont publiés dans un ouvrage sobre en format de poche. Le titre du recueil est net : « la gestion des risques de conflits de normes et de juridictions entre l’OHADA et les organisations voisines ». Pour le Secrétaire Permanent d’alors, par ailleurs préfacier dudit recueil, M. Koleka Boutora –Takpa, « le foisonnement des organisations sous-régionales et régionales en Afrique, les interférences de compétences qui en résultent, les organisations régionales voisines, la concurrence des normes qu’elles produisent (…) est une lapalissade ».
Ce recueil fixe d’emblée  le contexte. L’OHADA existe  parmi un grand nombre d’organisations interétatiques ayant pour mission d’œuvrer directement ou non, à l’intégration économique régionale.  Mention est faite de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA), la Communauté Economique et Monétaire d’ Afrique Centrale (CEMAC), la Conférence Inter Africaine des Marchés d’Assurances (CIMA). De fait, ces entités, comme l’OHADA, se trouvent généralement compétentes dans des matières économiques et incidemment ou directement juridiques. Un exemple type est pris dans les actes, «  la comptabilité des entreprises ayant leur siège dans l’un des Etats membres à la fois de l’OHADA et de l’UEMOA est régie concurremment par l’Acte Uniforme OHADA sur la matière et  un Règlement de l’UEMOA y relatif ». Par ailleurs, il est souligné qu’aucun « tribunal de conflits » n’existe pour départager les normes et les juridictions en concours à l’occasion d’un litige. L’autre difficulté qui a justifié le colloque se trouve être, l’absence dans les dispositions des traités instituant ces organisations, de l’établissement d’une hiérarchie entre les différentes normes communautaires.     Dans le fond, quatre interventions ponctuent le recueil des actes du colloque de Lomé 2010.  

Le conflit de Juridictions et voies de solutions

Le professeur burkinabé, Luc Marius Ibriga,  revient dans un article sur : « la juridictionnalisation des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest : une hypothétique juridisation ». Pour cet intervenant, une interrogation émerge des observations du droit communautaire en Afrique de l’Ouest : l’UEMOA, la CEDEAO et l’OHADA «  chassent-t- ils  sur les mêmes terres » ?  L’auteur s’intéresse aux rapports inter juridictionnels entre les  Cours de Justice de l’UEMOA et de la Communauté Economique  des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’une part, et d’autre part la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA. C’est le conflit de juridictions. En guise de solutions, il est proposé quelques voies telles que la promotion du dialogue institutionnel, la coordination et la mise en cohérence des activités. En outre, une prescription de restructuration et de recomposition des organisations est faite. Une possibilité de fusion est également envisagée par le Pr Luc Marius Ibriga.  
Dans le même sens, le professeur Dorothé Cossi Sossa a exposé sur « les conflits des juridictions communautaires et les mécanismes de coopération inter-juridictionnels ». Pour l’actuel Secrétaire Permanent de l’OHADA, la conclusion est mitigée, «  si l’on doit s’en tenir aux textes, les concurrences de compétence ne sont pas prévisibles entre les juridictions communautaires de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Il n’empêche que des hypothèses, parfois assez concrètes, de concurrence de compétence ont néanmoins pu être évoquées. » .Pour le professeur, les concurrences de juridictions en Afrique ne sont pas autonomes mais consubstantielles aux conflits des textes. La solution, quant à elle, peut venir de la signature d’accords de coopération judiciaire intercommunautaire.
Les « conflits de normes et application du droit communautaire dans l’espace OHADA », sont également analysés dans le recueil, par le magistrat ivoirien, Kouassi Kouadio. L’auteur dans sa communication inspecte les sources de conflits, tel que le chevauchement des normes communautaires régissant des domaines identiques du droit des affaires. L’originalité de cette intervention tient dans la présentation qu’elle fait des solutions actuelles. Selon l’auteur, celles-ci sont insuffisantes, c’est le cas des solutions juridiques de prévention qui sont plombées par l’absence de hiérarchie entre les traités. Pour le magistrat, le recours au droit international général consistant soit à la prise en compte de la chronologie des textes ou du critère de la spécialité en vertu du principe « lex specialia generalibus derogant », a du mal à prospérer dans le règlement des conflits de lois en droit communautaire. La raison avancée en est que, malgré les différentes solutions proposées, les conflits de normes ne se présentent pas toujours sous la même apparence que les conflits entre règles de droit international privé.
La critique de l’auteur se porte également sur les solutions de coopération et de concertation qui selon lui, « semblent  être le domaine des appuis divers émanant des partenaires au développement et n’a souvent pour seul résultat, la reconnaissance du statut d’observateur des uns au sein des rencontres organisées par les autres. »

De nouvelles pistes de traitement des conflits


De l’avis du magistrat Kouassi Kouadio, les solutions à explorer doivent être analysées au niveau de la production des normes communautaires. Ainsi, un système de communication et de dialogue doit être instauré pour éliminer ou réduire les incompatibilités entre normes.              
Au niveau de la compétence des juridictions suprêmes communautaires, il serait mieux que le contentieux spécialisé soit porté devant la CCJA, plutôt que devant les juridictions nationales. Et pour cause, seule cette Cour de l’OHADA offre  une « assurance d’unification jurisprudentielle ».               
L’exemple canadien  est aussi  présenté dans le recueil pour capitalisation, par l’associé au cabinet Lavery de Billey à Montréal à Québec au Canada,  Me Serge Bourque. L’avocat revient sur l’importance du  rôle d’un tribunal suprême et des accords entre les Etats ou provinces et la Fédération.
Le recueil  qui se propose  de présenter in extenso, les communications des participants au colloque de Lomé d’octobre 2010, a été réalisé avec le concours de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il est disponible à l’œil, auprès du siège du  Secrétariat Permanent à Yaoundé, au Cameroun.

Willy S. Zogo

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Editorial N° 22

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