CONTENTIEUX PRE-ELECTORAL : Décisions historiques

A la faveur de la tenue des premières élections sénatoriales au Cameroun, plusieurs partis politiques engagés dans le scrutin de liste du 14 avril 2013, ont remis en cause les listes publiées par la commission électorale Elections Cameroon (ELECAM). Pour faire valoir leurs droits, la Cour suprême siégeant en lieu et place du Conseil Constitutionnel a été saisie. Le 28 mars 2013, la plus haute juridiction a rendu un verdict qui fera probablement date…

«Après avoir délibéré conformément à la loi, article 1er, le recours de l’Union Nationale pour le Développement et le Progrès  dans la région de l’Extrême- nord est recevable en la forme. Article 2ème, la décision de rejet de la liste des  candidats pour inéligibilité de Maïmouna Epouse Oumar est confirmée. Article 3 : il est ordonné la réhabilitation de ladite liste et le remplacement de la candidate concernée en application de l’article 128 du Code électoral » , a déclaré le Premier président de la Cour Suprême et du Conseil Constitutionnel, Alexis Dipanda Mouelle, au bout d’une audience marathon qui a duré près  de 13 heures de temps. En effet, c’est aux environs de 3 heures et demi de l’après-midi, le 28 mars 2013 que les 11 sages du Conseil Constitutionnel ont pris place sur l’estrade de la salle d’audience de la Cour Suprême. C’est à 3 heures du matin le lendemain, 29 mars et après délibérés que le premier verdict a été connu : 12 rejets de recours et 3 réhabilitations pour un total de 15 recours déposés par 7  partis politiques dont 4 étaient déjà sûrs d’être en lice pour les élections sénatoriales du 14 avril 2013. Le verdict des sages : la réhabilitation de liste

La liste de l’UNDP dans la région de l’Extrême- Nord qui a été rejetée par ELECAM pour inéligibilité de la candidate Maïmouna Epse Oumar pour défaut de nationalité,  a été réhabilitée. Et la candidate frappée par l’irrégularité de sa candidature a pu être remplacée sur Ordonnance du Conseil. Ce dernier rejetait alors par l’occasion,  la position du conseil électoral, ELECAM. Position qui consistait à dire que la candidature de dame Maïmouna violait les dispositions de l’article 220 alinéa 2 du code électoral, tout comme celles de l’article 164. Le premier article dispose que, «  Ils [les candidats aux élections sénatoriales ndlr] doivent être citoyens camerounais d’origine et justifier d’une résidence effective sur le territoire de la région concernée. ».Or, selon le Conseil électoral, la concernée ne justifiait pas de la nationalité camerounaise. En outre, ELECAM  a invoqué la violation de l’ article 164 qui dispose dans son alinéa 4 que :  «  la déclaration de candidature mentionne : - les nom, prénom, date et lieu de naissance, filiation, profession et domicile des candidats ; - le titre de la liste et le parti politique auquel elle se rattache ; - le signe choisi pour l’impression des bulletins de vote ou pour identifier le parti ; - le nom du mandataire de la liste, candidat ou non et l’indication de son domicile ; - les indications sur la prise en compte des composantes sociologiques de la circonscription dans la constitution de la liste ; - les indications sur la prise en compte du genre dans la constitution de la liste. ».  Face à ces arguments, le Conseil des sages, tout en reconnaissant le défaut de nationalité de la concernée, a retenu l’application de l’article 128.  Aux termes de l’alinéa 1 de cette disposition du code électoral, « si un candidat présenté par un parti politique est déclaré inéligible par le Conseil Constitutionnel après la  publication des candidatures, il peut être remplacé par un autre candidat proposé par le même parti. Ce candidat doit remplir les conditions d’éligibilité prévues par la présente loi ». Par conséquent, contrairement à la position d’ELECAM qui était de rejeter la liste entière, le Conseil des sages a choisi le remplacement du candidat irrégulier.

Le même raisonnement juridique a été suivi pour les deux autres réhabilitations qui ont  été ordonnées à l’aube du vendredi 29 mars 2013. En effet, deux  listes du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC)  dans les régions de l’Extrême-Nord et de l’Est ont bénéficié de la même mesure interprétative de la loi.

Dans la région du soleil levant, le recours du RDPC contre ELECAM était noué autour du candidat  Louis Aimé Bélékou. Dans cette espèce, le sieur Bélékou ne justifiait pas de l’âge minimum exigé  aux candidats aux fonctions de sénateur. En effet, selon les documents fournis par le concerné, il apparaissait qu’il était né le 24 mai 1974, par conséquent, son âge était de 39 ans d’où le rejet. Le motif du rejet de la liste tenait dans l’article 220 qui pose en son alinéa  (1)  que : « les candidats à la fonction de sénateur, ainsi que les personnalités nommées à ladite fonction, doivent avoir quarante (40) ans révolus à la date de l’élection ou de la nomination ».

Du même parti, mais  dans  la région septentrionale cette fois là, il était reproché par ELECAM au candidat Faycal Mourad de ne pas être de nationalité camerounaise.  Mais, comme dans le cas de la liste de l’UNDP, celle du parti au pouvoir a donc été réhabilitée et le remplacement du candidat par M. Aliou Alhadji Amadou, ordonnée par le Conseil constitutionnel.

Le position du conseil constitutionnel,  une position jurisprudentielle?

Le Conseil des sages a pris le contre pied des prétentions de la partie ELECAM. Et ce faisant, elle donnait droit aux prétentions des avocats et représentants des partis UNDP et RDPC. Ceux-ci demandaient notamment une interprétation extensive de la loi alors qu’à travers celle-ci, le législateur a manqué d’exhaustivité. En effet, pour les avocats de l’UNDP parmi lesquels Me Guy Noah et ceux du RDPC, au rang desquels le même Guy Noah et les membres du gouvernement, Grégoire Owona et Bénoît Ndong Soumhet, le défaut de nationalité ou le défaut de justification de l’âge minimum requis ne doivent pas constituer des motifs de rejet de la totalité de la liste à laquelle le candidat fait partie. En plus, selon les avocats, le candidat devait être écarté et remplacé et la liste des 14 candidats et suppléants réhabilitée. C’est ainsi que, dans son plaidoyer, Me Guy Noah avançait que : « le rejet d’une liste, non ! Le rejet d’un candidat, oui. ! Car aucun texte n’autorise ELECAM à rejeter une liste. En outre, j’en appelle l’auguste Conseil à revoir l’interprétation de l’article 128 alinéa 1 du Code électoral qui ne semble pas encore bonne ».

De fait, les avocats demandaient au Conseil constitutionnel d’annuler la décision de  rejet des listes, de les réhabiliter, et d’ordonner le remplacement des candidats en situation irrégulière.

En y faisant droit, dans sa décision du 29 mars 2013, les sages du Conseil  semblent avoir fait une interprétation large de l’alinéa 1 in fine  de l’article  128. En effet, il est dit dans cet article que, si on se trouve en face d’un candidat irrégulier, « il peut être remplacé par un autre candidat proposé par le même parti. ». De fait, comme l’affirme un observateur, « les hauts magistrats ont pris leurs responsabilités, pour permettre la tenue des élections sénatoriales, dans les deux régions de l’Extrême Nord et de l’Est. Car à la lecture des trois décisions, aucune de ces deux formations politiques  [RDPC et UNDP] n’était qualifiée pour prendre part aux élections dans lesdites régions. ».

En effet, cette position du Conseil prenait un peu le contrepied d’une intervention du Premier président de la Cour Suprême et président du Conseil Constitutionnel, Alexis Dipanda Mouelle qui a déclaré au cours des plaidoiries, au sujet du rejet des listes par ELECAM  que : « s’il n’y a pas de nullité sans texte, il y a dans les textes des dispositions impératives ». La difficulté  que semble donner l’interprétation de l’alinéa 1er in fine de l’article 128 est que, le législateur n’a pas déterminé qui doit constater le remplacement du candidat irrégulier, d’ELECAM ou du juge électoral. Le Conseil semble donc avoir levé le doute, en  constatant et en ordonnant ce remplacement. Dans cette mesure, la postériorité du contentieux électoral des sénatoriales, à tout le moins, en sera-t-il désormais ainsi ?

12 rejets confirmés

Sur 15 recours intentés par les partis politiques contre les décisions de rejet d’ELECAM, seules 3 listes de deux partis ont reçu un avis favorable du juge  électoral. 12 listes ont donc été recalées. Les 3 listes du RDPC  dont le rejet a été confirmé  concernaient la candidature de M. Zavier Ouddoumito contre Grégoire Mba Mba dans la région du Sud, celle de Mme Bernadette Akwalefo Djeudo dans l’Ouest et celle de la liste du Parti dans l’Adamaoua.

Les 3 listes de l’UPC ont été passées au crible avant d’être rejetées. Les trois factions du Parti du Crabe  ont notamment présenté des candidatures éparses. Le rôle du Conseil Constitutionnel a reçu un recours de M. Bernard Ouandji, un autre de M. Robert Bapooh Lipot et un autre d’Adolph Joseph Ndoumbe. Selon ELECAM : « aucun bureau directeur de l’UPC n’a été reconnu par le ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation ».

Ont par ailleurs été confirmées comme rejetées,  les 03 listes de l’ANDP pour les candidats Aba Mvondo dans le Sud, Robert Njié et Manankong dans  le Sud Ouest et l’Extrême Nord. Il en a été de même des listes SDF dans le Littoral, sur l’éligibilité du candidat Réné Feuzeu Fotso, du MDR dans l’Extrême Nord  sur la candidature de M. Paulin Djorwe. La liste du FSNC a subi le même sort à cause de l’irrégularité de la situation de M. Ahmadou Bouroudja.

Le Conseil vient vraisemblablement de donner un nouveau cap en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la plus haute norme, à savoir  la Constitution du Cameroun. Comme le dispose l’article  48  « (1)-  Le Conseil Constitutionnel veille à la  régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats. » . Rappelons tout de même que  les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent  aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives,  militaires et juridictionnelles,  ainsi  qu’à toute personne physique ou morale.  Cela  est valable pour le contentieux pré comme post électoral.

Willy S. Zogo

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