La Clause de ‘‘statu quo’’

Les questions juridiques autour des Accords de partenariat économique (APE) [4]

Dans notre quatrième volet sur les questions juridiques autour des APE nous traitons de la clause de ‘‘ statu quo’’ qui a trait aux droits tarifaires.

 

Dr. Raymond Ebalé Enseignant Chargé de cours Département d’histoire Université de Yaoundé I Président de l’Association pour la Sensibilisation sur les Accords ACP-UE (ASAC)

 

La Clause de statu quo consolide les droits tarifaires des pays ACP aux niveaux appliqués plutôt qu’aux niveaux consolidés au moment de l’entrée en vigueur des APE intérimaires. Il y a des différences importantes entre les APE pour ce qui est de la clause de statu quo. Dans les APE du CARIFORUM (Caraïbes), de la SADC (Afrique australe) et du Pacifique, la clause de statu quo ne s’applique qu’aux produits devant faire l’objet de libéralisation. (Les droits tarifaires sont consolidés aux taux appliqués immédiatement après l’entrée en vigueur des APE intérimaires, que le produit fasse l’objet d’une libéralisation immédiate ou d’une libéralisation dans 15 ans. Dans les APE de la CAE (Afrique de l’Est) et de l’AfOA (Afrique orientale et australe), la clause de statu quo s’applique à tous les échanges entre les parties. Aucune distinction n’est établie entre les marchandises devant faire l’objet de libéralisation et les marchandises exclues.

Les deux formes de statu quo ne sont ni juridiquement (OMC) nécessaires, ni souhaitables du point de vue des nécessités des pays ACP en matière de développement et de leurs besoins financiers et commerciaux. Sur le plan juridique, l’OMC n’exige des pays en développement que la tarification (conversion de toutes les restrictions à l’importation qui n’étaient pas sous forme de droits tarifaires, par exemple, les contingents, en droits tarifaires et leur consolidation à des taux consolidés). Les pays les moins avancés (PMA), dont la majeure partie appartient au Groupe ACP, ne sont pas tenus, au titre de l’OMC, de prendre des engagements en vue de réduire les droits tarifaires ou les subventions.

Pour ce qui est des besoins financiers, commerciaux et en matière de développement des pays ACP, il n’est guère logique de geler les droits tarifaires aux niveaux appliqués plutôt qu’aux niveaux consolidés ou d’imposer les droits appliqués immédiatement après l’entrée en vigueur des APE. C’est ce qui nous a été démontré avec force par la crise alimentaire qui sévissait au moment où les APE étaient paraphés. En raison de la hausse croissante des prix alimentaires mondiaux et de la famine grandissante dans de nombreuses parties de l’Afrique, en 2007 et 2008, de nombreux pays avaient réduit leurs droits d’importation sur les produits alimentaires à zéro (taux appliqués), alors que ceux-ci étaient toujours consolidés à de très hauts niveaux. Le gel de ces taux à ce niveau supprimerait essentiellement la production alimentaire locale en Afrique, ancrant le continent dans une vulnérabilité encore plus grande à l’insécurité alimentaire. Il est moins surprenant qu’en octobre 2008, l’UE ait été contrainte de permettre une hausse des droits de douane sur les importations de céréales dans la région de la SADC, avec l’amélioration de la production alimentaire locale.

Le gel des droits tarifaires des pays ACP aux taux appliqués plutôt qu’aux taux consolidés sape la capacité des pays ACP à s’adapter à l’évolution des conditions économiques, en particulier aux fluctuations des marchés mondiaux. En soumettant tous les échanges entre les parties à la clause de statu quo, on élimine essentiellement tout avantage pouvant découler de la « libéralisation asymétrique » tant vantée, comme cela est discuté dans la Section 2. Les taux consolidés des pays ACP sont peut-être élevés, mais ceci ne les rend pas négligeables. Le processus de tarification n’était pas sans coûts pour nombre de pays en développement, et l’OMC leur avait donné jusqu’à 2005 pour le mener à bien. Ayant récemment achevé cet exercice, il n’y a pas de raison économique impérieuse qui justifie qu’ils ignorent leurs droits consolidés et pour qu’ils gèlent tout aux niveaux appliqués.

L’UE fait valoir que le principal avantage de la clause de statu quo est la libéralisation des échanges. Pour l’UE, tout ce qui entraîne la libéralisation des échanges est bénéfique en soi. Une telle proposition, quoique partagée par la Banque mondiale (2007), entre autres, a été réfutée à maintes reprises. En premier lieu, il n’est guère prouvé que la libéralisation des échanges en soi favorise le développement économique. En tout état de cause, ceci devrait être déterminé par les différents pays ACP. Par exemple, tant Maurice que les Seychelles se sont engagés à libéraliser plus de 95% de leurs échanges avec l’UE, dans leurs APE intérimaires, sur la base des nécessités de leur développement et de leurs besoins financiers et commerciaux. Il est juste de supposer que les pays ACP qui cherchent à abaisser leurs seuils se déterminent de la même manière, de bonne foi. Leur opposition à la clause de statu quo devrait être perçue dans ce contexte, car elle est inextricablement liée aux engagements de libéralisation tarifaire.

Certains des APE (l’APE du CARIFORUM, par exemple) non seulement ciblent les services, mais prévoient également une clause de statu quo dans les services, alors que d’autres projettent de futures négociations sur les services (SADC, par exemple). La clause de statu quo dans les services, dans l’APE du CARIFORUM, interdit à tout pays signataire d’introduire de nouvelles politiques incompatibles avec les articles XVI et XVII de l’AGCS qui restreindraient l’accès à leurs marchés pour les fournisseurs de services des autres parties, ou qui seraient discriminatoires en faveur des fournisseurs de services nationaux, au détriment des fournisseurs de services étrangers. Cette disposition entrave l’espace politique des pays ACP dans le développement de leurs secteurs de services nationaux.

Le commerce des services relève de l’AGCS, et tout accord sur les services dans les APE aurait à se conformer à l’article V de l’AGCS (pendant de l’article XXIV du GATT). Comme pour l’article XXIV du GATT, l’article V de l’AGCS ne prévoit pas de clause de statu quo et son inclusion dans les APE n’est pas juridiquement nécessaire. Qui plus est, contrairement à l’article XXIV du GATT, l’article V(3a) de l’AGCS prévoit de manière explicite un traitement S&D en faveur des pays en développement parties à un ALE.

L’UE a manifesté davantage de flexibilité ou de sensibilité vis-à-vis des arguments avancés par les pays ACP sur la clause de statu quo qu’à propos de toute autre question litigieuse discutée ici. Suite aux vives protestations de plusieurs pays africains, un certain nombre de modifications ont été apportées à la clause de statu quo des APE. Par exemple, la CEMAC (Cameroun) énonce une disposition qui bloque la réduction tarifaire de manière unilatérale pour une période maximale d’un an. La clause de statu quo de la SADC ne s’applique pas aux marchandises exclues des engagements de libéralisation et tous les APE africains, sauf celui de la région AfOA prévoient l’introduction/hausse temporaire des droits à l’exportation dans des circonstances exceptionnelles.

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