Créée au début de l’année 2000, inaugurée en 2008, la Bourse des Valeurs de l’Afrique centrale (BVMAC), accueille la première société, la gabonaise SIATGABON dans le compartiment des actions. Dans ce contexte, les règles encadrant l’introduction en bourse des sociétés sur le marché financier CEMAC mérite bien d’être consultées…
La Société d'Investissement pour l'Agriculture Tropicale, SIAT Gabon est probablement la première hirondelle dans un ciel qui sera désormais printanier pour le marché financier de la CEMAC, à savoir la BVMAC. Pour présenter cette société pionnière et l’opportunité que présente cet engagement, le directeur général de SIAT Gabon, M. Gert Vandersmissen assure que : « l’introduction en bourse de SIAT Gabon nous permettra de récolter 33 milliards de francs CFA, pour financer notre plan développement au Gabon. Nous allons tripler la surface des plantations d’hévéa et doubler la surface des palmeraies. Nous allons également continuer notre programme d'investissements dans le secteur de l’élevage. Nous allons construire des nouvelles usines de caoutchouc dans la zone du Moyen Ogooué, et nous renforcerons les usines existantes. Nous sommes la première société qui va rentrer à la bourse sous-régionale par augmentation de capital ! Nous allons vendre 30% de notre capital au public gabonais et ceux de la communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale. C’est un moment historique pour la zone CEMAC ! ».
Pour ce qui est des chiffres, la SIAT Gabon ouvre 30% de son capital sur le marché financier de l'Afrique centrale, soit 1 170 000 actions mises en vente à 28500 FCFA l'action, pour une souscription qui s’étend du 25 mars au 19 avril 2013.
Sur ce marché financier, la cote compte cinq (5) compartiments : un, consacré à la négociation des obligations (titres qui constatent des dettes des tiers contre l’émetteur), un autre pour les actions (titres qui constatent la part d’un tiers dans le capital de l’émetteur) et trois autres respectivement dédiés aux Petites et Moyennes Entreprises (PME), aux titres des Etats et aux financements des projets. Depuis, l’inauguration en 2008 de la BVMAC, aucune transaction n’avait été enregistrée sur le compartiment action. A titre comparatif, le marché camerounais, sur ce compartiment compte trois valeurs cotées. Par conséquent, la SIAT Gabon est la première société à offrir à la négociation sur le marché, des actions.
Toute nouvelle société aspirant à s’introduire en bourse ou qui souhaite simplement y introduire de nouvelles actions par augmentation de capital, doit s’astreindre à de multiples règles. La raison en est que, le droit qui encadre les activités et le fonctionnement des acteurs du marché boursier procède de diverses sources. C’est ainsi que, la société, projetant s’inscrire à la cote sur le marché de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), doit se conformer au minimum aux exigences de l’Acte Uniforme de l’Organisation pour Harmonisation en Afrique OHADA relatif aux sociétés commerciales et aux Groupements d’ Intérêt Economique (AUSC/GIE), la Règlementation de l’entreprise de bourse (le Règlement de la BVMAC, ses instructions, les accords de place…) et aussi le Règlement Général de la Commission de Surveillance du Marché Financier (COSUMAF) (il en est le régulateur).
Les conditions d’introduction en bourse sur la BVMAC
La BVMAC est l’entreprise qui gère le marché CEMAC de la bourse en tant que concessionnaire du service public. Les membres de la CEMAC étant par ailleurs signataires du traité de l’OHADA, le droit de la dernière s’applique donc aux sociétés commerciales qui s’y trouvent, y compris celles cotées et c’est notamment le cas l’Acte Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales et /Groupements d’Intérêt Economique (AUSC/GIE). Dans cet Acte Uniforme, le rapport des sociétés à la bourse des valeurs est abordé aux moins sous deux institutions, l’Appel Public à l’Epargne (APE) et l’introduction en bourse.
Dans le premier cas, pour ce qui est de l’APE, l’AUSC/GIE impose un certain capital social. En effet, l’article 824 prévoit clairement que « le capital minimum de la société dont les titres sont inscrits à la bourse des valeurs d’un ou plusieurs Etats parties ou faisant publiquement appel à l’épargne pour le placement de leurs titres dans un ou plusieurs Etats parties est de 100.000.000 FCFA». En outre, la société qui entend procéder à un APE, doit respecter des exigences informationnelles précises. Elle doit donc, publier une notice dans les journaux habilités à recevoir les annonces légales (JAL) de l’Etat ou de tous les Etats de la CEMAC où les titres seront sollicités. En outre, doivent être publiés affiches, circulaires, note d’information qui doivent reproduire exactement, clairement et avec précision dans les JAL. Les informations requises sont entre autres, le nom, l’adresse, le capital, les dirigeants, la nature des titres, leur nombre.
En marge des exigences OHADA, l’article 20 du Règlement Général de la COSUMAF dispose que, « sont réputées faire appel public à l’épargne, les personnes ou entités : dont les titres sont admis à la cote de la Bourse Régionale ; (…) ».
En premier lieu, la société doit se soumettre à une obligation d’information contraignante et au visa de la COSUMAF. En effet, toute personne ou entité, publique ou privée, qui envisage de faire appel public à l’épargne, dans un ou plusieurs Etats membres de la CEMAC, est tenue d’établir un document d’information soumis, préalablement à sa diffusion, sauf dérogation, au visa de la COSUMAF. Ce document d’information comprend toutes les informations indispensables aux investisseurs pour fonder leur appréciation de la situation globale de l’entreprise et prendre en connaissance de cause une décision d’investissement. Les informations attendues doivent alors porter sur à l’organisation, à la situation financière, à l’activité et aux perspectives de l’émetteur ainsi qu’aux droits attachés aux titres offerts au public.
En outre, la société qui entend coter ses actions, ne peut le faire directement, elle est tenue de désigner un représentant intermédiaire. Dans le cas de la CEMAC, il ne peut s’agir que d’une personne agréée par la COSUMAF en tant que société de bourse. Cette obligation d’intermédiation est contenue dans le Règlement Général de la COSUMAF, son article 55 dispose que : « L’émetteur est tenu de désigner une ou plusieurs Sociétés de Bourse chargées d’assurer l’exécution des opérations de placement des titres sur le Marché Financier Régional. ». Dans le cas de l’introduction de la SIAT Gabon, la société de bourse qui a été choisie est la Banque Gabonaise et Financière Internationale Bourse (BGFI Bourse).
Dans le cas des règles d’introduction sur la BVMAC, celle-ci doit donner un visa en plus de celui de la COSUMAF.
Les sanctions de l’inobservation des règles de l’introduction en bourse
L’une des sources du droit pénal de l’introduction en bourse est l’AUSC/GIE sus évoqué. L’article 905 prévoit une sanction pénale à l’égard des dirigeants de la société dont les titres sont à négocier, qui ne publient pas de la notice dans le JAL avant d’en faire la publicité. Il en est de même pour ceux des dirigeants de cette Société Anonyme cotée ou prétendante à la cote, qui ne mettent pas en conformité, les prospectus, annonces et affiches avec le contenu de la notice sus évoquée. L’AUSC/GIE se limite à prévoir une sanction pénale. Au niveau des Etats membres de la CEMAC, des textes détaillent les sanctions. Ainsi, au Cameroun, la loi n° 2003/008 du 10 Juillet 2003 relative à la répression des infractions contenues dans certains actes uniformes OHADA, à travers son article 23 prévoit par exemple que : « sont punis d'un emprisonnement de trois (3) mois à trois (3) ans et d'une amende de 100 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, les présidents, les administrateurs ou les directeurs généraux de sociétés qui ont émis des valeurs mobilières offertes au public, sans qu'une notice soit insérée dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, préalablement à toute mesure de publicité ou sans que les affiches, les prospectus et les circulaires mentionnent la signature de la personne ou du représentant de la société dont l'offre émane et précisent si les valeurs offertes sont cotées ou non et, dans l'affirmative, à quelle bourse. »
Le Règlement Général de la COSUMAF, prévoit de manière globale des sanctions pécuniaires mais, cela sans préjudice des sanctions pénales réservées à la souveraineté des Etats membres. Ainsi, la société qui ne recourt pas à l’intermédiation d’une société de bourse s’expose à des sanctions pécuniaires. Il en est de même, si elle se rend coupable de l’infraction de manquement à la règlementation de l’APE, notamment, comme le dispose l’article 390 du Règlement précité en procédant « à un appel à l’épargne publique des Etats membres de la CEMAC sans avoir préalablement sollicité et obtenu le visa de la COSUMAF. Est également passible d’une sanction pécuniaire le non respect des obligations en matière de diffusion de l’information financière. »
En outre, sur le plan de la procédure, il convient de signaler qu’il existe une interrelation entre la procédure devant la COSUMAF et l’appareil répressif des Etats membres. C’est dans ce sens que, l’article 385 du RG dispose que, « lorsque la COSUMAF relève des manquements susceptibles de constituer une infraction boursière et de recueillir une qualification pénale, elle transmet immédiatement le rapport de contrôle ou d’enquête au procureur de la République près la cour d’appel territorialement compétente. Le procureur de la République informe la COSUMAF lorsqu’il décide de mettre en mouvement l’action publique sur les faits dont il est saisi. »
Willy S. Zogo