En dénonçant les traitements inhumains et même meurtriers que certains membres de la secte arrêtés au Cameroun auraient subi, le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique centrale (Redhac) a soulevé un intérêt pour la question de savoir si l’on doit traiter les membres de la secte islamiste Boko Haram arrêtés avec la même humanité due aux prisonniers ordinaires…
La réponse à la question de savoir si les terroristes de Boko Haram ont les mêmes droits que tout le monde une fois appréhendés, peu sembler évidente au regard du manque de pitié dont font montre les membres de la secte. Toutes les instances de protection et de promotion des droits de l’Homme sont d’avis que la secte elle-même ne se soucie guère des atteintes viles aux droits humains. La Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (Cndhl) par exemple, a pris les devants en dénonçant ces atteintes dans plusieurs communiqués de presse. Celui du 27 février 2015 dénonce : « avec la plus grande fermeté les graves atteintes aux droits de l’Homme perpétrées par la secte terroriste Boko Haram ».
« Suite aux missions effectuées en août et septembre 2014 dans la Région de l’Extrême-Nord et aux actions subséquentes, la Commission Nationale de Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL) dénonce avec la plus grande fermeté les graves atteintes aux droits de l’Homme perpétrées par la secte terroriste Boko Haram à l’encontre des populations » peut-on lire concrètement dans ce communiqué signé par le Président de la Cndhl en la personne du Dr. Chemuta Divine Banda. Cette Commission a donc effectué des descentes et des constats sur le terrain mais aussi, elle a lu les rapports de diverses organisations de défense des droits de l’Homme tout comme ceux des autorités gouvernementales et administratives attestant tous que « les droits fondamentaux consacrés par la Constitution camerounaise et par les instruments internationaux, sont systématiquement violés par ce groupe terroriste » peut-on lire. La Commission ne manque pas d’énumérer les assassinats sauvages par décapitation ou non de civils et militaires qui atteignent au droit à la vie, ou encore les violences sexuelles et physiques qui violent le droit à l’intégrité physique. En systématisant l’islamisation forcée des populations, et en effectuant une sorte de tentative de radicalisation forcée et des destructions des lieux de cultes, c’est à la liberté de religion que les membres de la secte portent atteinte. Les destructions des concessions et des récoltes, le vol de bétail, de motos, de voitures ignorent le droit des Camerounais à la propriété. Et voilà que la scolarité des élèves gravement perturbée viole leur droit à l’éducation tout comme celui des parents d’éduquer leurs enfants suivant leurs convictions. Pour finir les séquestrations et enlèvements des citoyens violent bien la liberté d’aller et venir. Pourtant, la conclusion de la Cndhl est sans ambages, il n’est pas question de répondre à la violence aveugle par la violence aveugle. La Commission fait donc tôt de rappeler : « toutes les autorités civiles et aux vaillantes forces de défense nationale [ doivent savoir] que la lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le respect des droits de l’Homme et des Libertés, ainsi que dans le respect de l’Etat de droit, suivant les préconisations répétées du Conseil de Sécurité de l’ONU depuis la Résolution 1269 du 19 octobre 1999 » lit-on dans la prise de position officielle de cette instance qui ne s’insurge pas moins contre ce qu’elle nomme « agissements barbares de la secte Boko Haram ».
56 PRESUMES BOKO HARAM AURAIENT ÉTÉ TUÉS PAR ASPHYXIE SELON LE REDHAC
Au détour d’une conférence de presse tenue à dans sa ville siège de Douala sur le thème « La lutte contre Boko Haram et les violations des droits de l’Homme au Cameroun », le Redhac a donc dénoncé de nombreux actes inhumains et dégradants commis par les forces armées sur les populations, suspectées d’être des adeptes de la secte. L’Ong africaine, va donc dénoncer les méthodes utilisées par les forces de défense camerounaises pour extorquer des informations. Le Redhac fera par la suite un communiqué le 15 janvier dans lequel elle dira s’inquiéter «de la dégradation de la situation des droits de l’homme dans la région de l’Extrême –nord du Cameroun, suite aux attaques des éléments de la secte Boko Haram depuis le mois de février 2013 » pour en citer un extrait. Pour la directrice exécutive du Redhac, Maximilienne Ngo Mbe, la lutte contre le terrorisme ne doit en aucun cas se confondre avec les exactions des droits de l’homme sur le terrain des opérations. Suite à une descente sur ce terrain des opérations justement, le Redhac va noter et s’insurger contre « les morts et blessés qui se comptent par centaines, réfugiés et déplacés par milliers ». Mais surtout le Redhac va adresser une lettre au gouvernement camerounais ainsi qu’au Conseil des droits de l’Homme des nations unies où il va dénoncer la torture par asphyxie d’une cinquantaine de personnes dans la partie septentrionale du pays. Ce réseau dénonce nommément le commandant de la légion de gendarmerie de l’Extrême-Nord M. Ze Onguene, « qui, de source digne de foi, intime ses éléments à utiliser toutes sortes de méthodes pour extorquer les informations ».
La déclaration du Redhac note ainsi que « par exemple, lors des bouclages des villages Magdema et Guidivig par ses éléments, plusieurs personnes auraient été arrêtées et conduites à la légion de gendarmerie de l’Extrême-Nord. Parmi les personnes arrêtées, une cinquantaine de personnes s’est retrouvée morte asphyxiée dans les cellules de ladite légion et ensuite enterrée dans une fosse commune en brousse selon les sources dignes de foi.».
LE GOUVERNEMENT CAMEROUNAIS A DÉMENTI
Toutes les accusations du Redhac dans cette affaire feront réagir le gouvernement camerounais deux mois après leur publication. Le ministre de la Communication, Issa Tchiroma se faisant le porte- voix de l’État camerounais, va donner la position officielle. Le vendredi 13 mars 2015, il convoque un point de presse pour démentir devant l’opinion publique nationale et internationale ce qu’il nomme « les allégations de torture et d’exécution sommaire proférées par l’Organisation non gouvernementale (Ong) dénommée Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), à l’encontre des forces de défense et de sécurité camerounaises dans le cadre de la lutte contre Boko haram.». Sa version est la suivante : dans la nuit du 26 au 27 décembre 2014, afin de parer à une attaque planifiée des membres de Boko Haram, une opération de ratissage a été organisée dans les villages de Magdeme et de Doublé. Ce bouclage a permis de procéder à l’interpellation de 70 suspects qui ont été transférés à la légion de gendarmerie de Maroua pour des besoins d’enquête approfondie. Le ministre Tchiroma va ajouter que « 14 des personnes interpellées ont été conduites dans les cellules de la brigade territoriale de Maroua alors que les autres, soit 56, ont été gardées à vue dans un local aménagé pour la circonstance à la légion de gendarmerie. Ce, en raison du fait que toutes les cellules ainsi que les locaux de la prison centrale de Maroua étaient saturés. Au lendemain de cette arrestation, en ouvrant le local où étaient enfermés les 56 suspects du lot, l’on a constaté que 25 de ces 56 suspects avaient perdu la vie, des autopsies ont été effectuées sur les corps avant l’ordre d’inhumation. Deux officiers supérieurs des services centraux de gendarmeries dont un magistrat, ont été dépêchés sur le terrain pour mener des investigations approfondies et faire la lumière sur cette situation ».
Dans sa communication, le ministre Issa Tchiroma dira alors de l’Ong Redhac n’avoir pour but manifeste que « de jeter l’opprobre sur nos vaillantes forces de défense et de sécurité et sur notre pays, de façon à priver le Cameroun du soutien de la communauté internationale dans la guerre salutaire qu’il mène contre les hordes barbares de Boko Haram. ». Il va ajouter que « je peux toutefois, d’ores et déjà affirmer qu’en l’état actuel des investigations, aucun élément n’a permis de confirmer que ces personnes avaient été tuées de façon délibérée ».
Mais d’après certains médias, le porte parole du gouvernement a tôt fait par la suite d’ajouter de l’eau dans son vin, en annonçant sur les antennes de Radio France internationale (Rfi) que « si jamais c’est arrivé, c’est déplorable ».
Tout compte fait, le Redhac c’est est une Ong qui existe depuis 2007 et qui couvre 8 pays d’Afrique centrale dont le Cameroun, le Tchad et le Gabon a gagné un certain éclat en qualité de défenseur des droits humains. Mais par-dessus toutes choses, cette organisation a placé au devant de la scène le problème de la répression du terrorisme qui fait déjà jaser depuis l’élaboration de la première mouture de la loi camerounaise anti-terrorisme. Mais, il ne faut guère se méprendre sur le camp du Redhac, du moins si on s’en tient à ce que le Réseau a écrit sur son site internet. « Il faut noter que le REDHAC n’a jamais été contre une loi contre le terrorisme. Le REDHAC est pour l’abolition de la peine de mort et contre l’article 2 alinéa1 de la loi N°2014/028 contre le terrorisme, promulguée le 23 décembre 2014 par le président de la République du Cameroun, M. Paul Biya. Cet article est un réel recul des libertés d’expression, d’association et de manifestations pacifiques durement obtenues dans les années 90 » peut-on lire. Il va plus loin en conseillant sur les moyens d’en finir sainement avec la secte Boko Haram. Il a ainsi « exhorté le gouvernement camerounais à doter l’armée camerounaise de moyens adéquats afin d’éviter à cette dernière de commettre comme on le note pour le condamner de nombreuses exactions des droits humains sur les populations et les défenseurs des droits humains de la région à problème ». Il leur demande en outre de collaborer tant avec les acteurs de la société civile pour ne pas seulement se limiter « aux marches de soutien au président », mais à une véritable force qui accompagne les autorités sur le terrain dans la surveillance et la documentation les exactions subies par les populations qu’avec toutes les forces vives pour une synergie d’actions.
A souligner également que la République centrafricaine, la République du Congo, la Guinée équatoriale et Sao Tomé & Principe, le Burundi et le Rwanda ayant rejoint le Réseau de l’Est et de la Corne d’Afrique sont également couverts par les activités de cette Ong.
Du reste, la question est posée et les résultats de la Commission d’enquête sont attendus!
Willy Zogo