L’enquête de police : Le Commissaire Meva critique la pratique camerounaise

Le livre intitulé « Pratique uniforme de l’enquête préliminaire dans le code de procédure pénale camerounais »  vient de paraitre chez l’éditeur SOPECAM  décrie les insuffisances de l’enquête préliminaire chez les officiers de police judiciaire…

« Les prises de position de l’auteur sur certaines questions peuvent paraître controversées, mais c’est l’intérêt scientifique, qui se trouve servi, dans la mesure où elles laissent libre cours à la critique qui permet d’occuper l’espace de réflexion, sans le réduire ». Ces mots qui annoncent la couleur du débat sont ceux du magistrat conseiller à la Cour Suprême du Cameroun, Zibi Nsoé, préfacier du premier livre de l’officier Vincent de Paul Meva. C’est un essai au sens profond du terme qui se donne à lire avec l’ouvrage « Pratique uniforme de l’enquête préliminaire dans le code de procédure pénale camerounais ». De l’auteur qui est en service au cabinet du délégué général à la Sureté Nationale (Dgsn), l’on aurait attendu un élan d’autocensure que non, la liberté de ton du livre du commissaire Meva est d’ailleurs visiblement avalisée par le Dgsn, Martin Mbarga Nguélé, qui a rédigé l’avant propos du livre. Ce dernier reconnait d’ailleurs l’avoir lu avec « un plaisir et une fierté légitime » avant d’en recommander la lecture en tant que « livre de chevet ».

ANGLOPHONES ET FRANCOPHONES 

En  325 pages, M. Vincent de Paul Meva vient de mettre à la disposition d’un lectorat qu’il souhaite diversifié, une lecture uniforme des vices qui émaillent la pratique de l’enquête préliminaire. Pour ce faire, il passe au crible la pratique dans le Cameroun francophone mais aussi celle du Cameroun anglophone. Malgré la volonté unificatrice nourrie par le code de procédure pénale de 2005, l’auteur constate et déplore que les officiers de police des régions anglophones continuent de développer des pratiques d’enquêtes particulières. Autant l’auteur a été en poste dans la région anglophone autant il est mieux placé pour apprécier les écarts de la pratique. En effet, il écrit à ce titre « je me suis retrouvé au Commissariat de sécurité publique de Mbengwi (Nord-Ouest) où j’étais le seul fonctionnaire de police francophone », « un an et demi plus tard le délégué général à la Sureté m’a redéployé à Yaoundé…où j’ai découvert des divergences de pratique entre les deux systèmes [ anglophone et francophone] » en tout état de cause, tel a été le fait générateur de son essai.

Qui sont les acteurs ? Quelles sont les règles de compétences ? Quelles sont les opérations de police au cours de l’enquête préliminaire ? Quel est le régime des libertés dans l’enquête ? A partir de quel moment l’on constate la clôture de l’enquête?  Telles sont les questions qui soutiennent l’argutie de l’essayiste policier.

CRITIQUES SUR LES ACTEURS ET LEUR MISSION

Les acteurs dans l’enquête sont connus. Le code de procédure pénale est clair, l’article 79 pose qu’ont la qualité d’officier de police judiciaire les officiers et sous-officiers de la Gendarmerie, les inspecteurs de police ayant satisfait à un examen d’officier de Police  judiciaire et prêté serment et les fonctionnaires exerçant même par intérim les fonctions de chef d’un  service extérieur de la Sûreté Nationale, les gendarmes chargés même par intérim, d’une brigade ou d’un poste de gendarmerie, les commissaires de police ou encore les officiers de police. La pratique des missions par les OPJ est moins satisfaisante aux yeux de l’auteur. Dans la pratique, certains magistrats procureurs usent du pouvoir de décharger un enquêteur de son enquête sans motif, alors même que le code de procédure exige le motif de la mise à l’écart d’un OPJ sur une affaire en cours d’enquête. «  Cette façon de faire n’est pas de nature à consolider la bonne collaboration qui doit exister entre le Parquet et les Opj », écrit l’auteur en page 41.

L’essayiste dénonce l’absence des fichiers criminels dans les unités de police du Cameroun.  Pourtant, ces bases de données qui recensent tous les criminels sont d’un apport indéniable; malheureusement, l’officier Meva constate qu’ils sont « inexistants dans certains services de police et mal tenus ». 

Il est constaté que le fichier criminel peut bien permettre de répertorier des modus operandi propres à des catégories de malfrats. De ce fait, son absence est problématique. Et même lorsque des informations sont collectées, elles sont affichées dans les postes de police : « cela entraine des fuites » explique l’auteur.

Le code de procédure pénale de 2005 essuie également le reproche de n’avoir pas encadré la pratique des « avis de recherches » qui se font encore un peu n’importe comment.

LES 5 S

L’auteur fait preuve d’originalité dans son essai en proposant à la gent des OPJ une formule axiologique en 5 S, le quintes qu’il baptise la formule. Il s’agit de la santé, la science, le social, la spiritualité  et le sacrifice. Il s’agit là d’autant de qualités dont doit faire montre un officier de police au cours d’une enquête de police.

Sur ce qui est de la compétence des OPJ en cas de commission d’un crime et d’enquête de police conséquente, il arrive qu’il y ait des conflits entre des commissariats et des compagnies de gendarmerie qui se discutent la priorité sur une enquête. Le code de procédure pénale pose que « l’officier de police judiciaire saisi le premier d’une infraction est, sous réserve des pouvoirs conférés au Procureur de la République (…), seul compétent pour effectuer l’enquête. Toutefois, il doit se dessaisir d’office en faveur des agents (…) en raison de leur compétence », dit l’article 84. L’auteur écrit à ce sujet: « l’officier de police saisi le premier doit être le seul compétent en conformité avec l’article 84 du cpp, s’il est du ressort de la juridiction qui en définitive sera compétente pour la suite de sa procédure ». Au soutien de cette proposition, l’auteur convoque l’article 101 du Cpp : « (1)   L’officier  de  police  judiciaire  peut, au cours d’une enquête, charger tout autre officier de police judiciaire placé sous son autorité, d’une partie des investigations à effectuer. (2)    Les  procès-verbaux  dressés  par  le ou  les officier (s) de police judiciaire délégués doivent expressément contenir mention de cette délégation ».

Allant plus loin, le livre offre une solution au sujet des enquêtes mixtes (police-gendarmerie-armée). « Le Cpp n’a pas prévu les enquêtes mixtes  et aussi les résultats des rapports d’enquêtes mixtes ne sont jamais publiés et la réparation de la personne préjudiciée n’est jamais effective», regrette l’auteur. Même s’il rappelle un texte parallèle d’octobre 1964.

LA FIN D’UNE ENQUÊTE DE POLICE

Dès lors que l’OPj a terminé son enquête, il doit transmettre ses conclusions au procureur pour que suite soit donnée. Cela se fait au travers d’un rapport de transmission et un Pv.  La loi  exige justement que dès  la  clôture  de  l’enquête,  l’Opj lui fasse parvenir directement l’original et une copie des procès-verbaux qu’il a dressés, ainsi que tous autres documents y relatifs. De même, les  objets  saisis  sont  inventoriés  et déposés sous scellé au parquet du procureur de la République  et copie du procès-verbal de saisie est remise au détenteur de ces objets.

Mais à ce niveau aussi, l’essayiste et praticien a décelé plusieurs problèmes dans la pratique : car il apparaît que, rendre compte progressivement est difficile, la mémoire étant faillible. Il soulève également le cas illégal des Opj qui classent les affaires pénales comme s’ils étaient des procureurs. Il n’y a là qu’un bref échantillon des réformes proposées dans le livre de l’Opj Meva, une brique dans l’édifice de la préservation des droits de l’homme.

Willy Zogo

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