Note de lecture: Les grands changements du droit prive en Afrique au scanner

En 2014 s’est tenu à l’Université de Dschang et sous l’égide du laboratoire d’études et de recherches sur le droit et les affaires en Afrique (LERDA), un colloque sur les grands changements affectant le droit privé en Afrique. Les presses Universitaires d’Afrique (PUA) viennent d’en produire les actes… Immersion…

La faculté des sciences juridiques de l’Université de Dschang dans l’Ouest du Cameroun fait encore parler d’elle à travers la dernière publication placée sous la direction du Pr Brigitte Chatué et préfacée par l’imminent enseignant que l’on ne présente plus, en la personne du Pr Paul Gérard Pougoué. Cette publication que se veut un « regard jeté sur l’état du droit privé depuis les années des indépendances » ambitionne de « tester quelques orientations méthodologiques pour les réformes futures », explique la maison PUA. Ceci ajoute que ce qui retient immédiatement et logiquement l’attention, c’est l’ampleur du recours à la codification. Cette dernière n’est pas seulement le rassemblement raisonné des règles de droit relatives à une matière donnée, faisant du juriste un organisateur. Elle façonne aussi, dans un souci d’unité et de sécurité du droit, un modèle dont on pourrait déduire des solutions, faisant ainsi du juriste un géomètre. Elle porte enfin des idéaux, des valeurs et des défis, faisant ainsi du juriste un architecte. Quoi qu’il en soit, la publication des réflexions du LERDA, s’inscrit dans le contexte d’une Afrique contemporaine qui « cherche encore ses repères. Son droit en général et son droit privé en particulier étant en pleine mutation, tant leurs ancrages épistémologiques sont incertains, leur application limitée et leur efficacité relative ». Dans ces conditions, il est sage d’arrêter un moment pour mener une réflexion rétrospective et prospective.

 

UNE RÉFLEXION À CAPITALISER

Ce n’est pas moins de 18 interventions du colloque organisé par le LERDA qui viennent de se corporifier dans les actes de 513 pages sortis des massicots des PUA en mai 2016. D’entrée de jeu, l’on peut lire la leçon inaugurale du Pr François Anoukaha sur « l’épistémologie des réformes de droit privé en Afrique ». Celui qui est désormais vice-président de la Commission nationale Anti-corruption inscrit dans la postérité, une analyse de la portée des réformes telles qu’elles doivent se faire en Afrique. Spécialiste du droit des affaires de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), le Pr Anoukaha esquisse dans cet ouvrage-recueil l’importance de l’approche ou mieux de l’analyse économique du droit OHADA constamment réformé depuis 2010.  Ainsi que le formule le préfacier, c’est un « droit privé adapté aux réalités africaines » que le Pr appelle de ses vœux. La suite des contributeurs aux actes du Colloque ont moulu dans le même moulin. En creusant, l’épistémologie de la réforme de droit privé, le Pr Anoukaha présente cette matière comme l’étude de la science ou mieux la science de la science. Le lecteur trouve dans la leçon inaugurale, l’invitation à une méthode de réforme juridique fondée elle-même sur la quête de l’unité nationale. Et pour y parvenir, l’universitaire pense que « l’unité africaine ne peut être réalisée que si l’uniformisation des règles de droit privé est accompagnée de celle de droit public ».

Les actes rendent par la suite compte des « réformes de droit en général et du droit des sûretés », thème constitutif de la première articulation du colloque et placé sous la direction du Pr Pierre Etienne Kenfack. Sous la bannière de cette articulation, le lecteur découvre les contributions respectives des universitaires tels que Gérard Blanc, Félix Fanou, Georges  Shom, Guy Blaise Dzeukou. Le premier scrute le présent et l’avenir des réformes en Afrique. Il revient précisément sur le cas de l’OHADA qui se pose notamment comme un référent incontournable.  L’éditeur note d’ailleurs à ce titre avec le Pr Paul Gérard Pougué que  « la récente révision de certains actes uniformes vise précisément à accroître l’efficacité économique du droit OHADA. Cette révision montre que des pans importants du droit des affaires restent à explorer. Mais, cette exploration se heurte à trois difficultés qui devront, demain, retenir spécifiquement l’attention ». L’un dans l’autre, le Pr de l’université de Marseille lui prescrit un « élargissement de son domaine de compétences » ainsi qu’une « meilleure adaptation du droit OHADA à la réalité africaine ». Le second intervenant souligne les enjeux de la réforme du droit des affaires africain en posant que le législateur doit toujours avoir à l’esprit des nécessités à l’instar de l’amélioration du climat des affaires. Le dernier, le Dr Guy Dzeukou dissèque « l’introduction de l’affacturage au Cameroun » par la loi de 2014 y relative.

Par la suite, la deuxième partie des actes s’adosse clairement sur « les réformes de droit civil de la famille et des contrats », thème placé sous la présidence du Pr Isidore Miendjiem. Dans cette articulation des actes, le Dr. Siméon Patrice Kouam de l’Université de Ngaoundéré revient sur les voies et moyens pouvant aider la réforme du droit camerounais de la famille en mutation. Sa réflexion s’intéresse à l’avant-projet du code des personnes et de la famille dans sa mouture de mars 2012. La question qui trace le fil d’Ariane de sa pensée tient à savoir comment est-ce que le droit français irrigue le droit international privé camerounais. L’auteur de répondre que le « verre est à moitié plein » pour ce qui est de la réception des applications françaises déjà bien avancées. L’auteur ne regrette pas moins que le Cameroun soit entrain de vouloir choisir « la loi nationale comme critère de rattachement du statut personnel ». Cela veut dire que les Camerounais où qu’ils soient se voient appliquer en cas de problèmes liés au mariage ou la filiation, leur droit national.

Mais Dr. Kouam constate par ailleurs que le droit international privé que le Cameroun est entrain de construire est par ailleurs à « moitié vide ». Et au soutien de sa position, il regrette les omissions sur la qualification des catégories juridiques ainsi sur le renvoi au second dégré.

C’est dans la foulée du Dr. Kouam que le Pr Chatue inscrit sa réflexion. Elle la place notamment sur le signe de l’étude de l’adoption dans l’avant-projet de code susmentionné. Elle regrette cependant une « réforme inaboutie » et au soutien de sa position, elle pose que « l’adoption internationale est réduite à sa plus simple expression » et que le Cameroun est entrain de prendre position comme un « donneur » d’enfants.

RÉFORME DU DROIT DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES

La troisième partie des actes du colloque qui repose quant à elle sur les réformes de droit des sociétés et de la procédure est placée sous la présidence du Pr René Njeufack Temgwa, de l’Université de Dschang. Y sont inspectées, les questions relatives aux enjeux de la « flexibilisation » des règles des sociétés commerciales dans l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales -AUDSCGIE révisé sous la plume de Patrice Samuel Aristide Badji. Et aussi, celles de l’implantation des sociétés étrangères en Afrique à l’ère du nouveau droit des sociétés commerciales OHADA, sous la plume du Dr. Robert Assontsa.

Stève Tallyng, apporte dans ces actes un regard que « l’esprit des réformes judiciaires » notamment sur la recherche d’un rapprochement sans cesse croissant de l’institution judiciaire du justiciable succédé des précisions sur la compétence de la CCJA du Pr René Njeufack Temgwa.

La dernière et quatrième partie de l’ouvrage repose sur les  réformes de droit communautaire et de droit pénal avec d’entrée la question de savoir si la science juridique publiciste est « maîtresse ou servante de la science juridique privatiste ? » et ce questionnement autour de cette « séculaire controverse » est analysée à l’aune de l’émergence d’un droit communautaire africain par le Dr. Edouard Gnimpieba Tonnang. La réforme de la réglementation bancaire dans la CEMAC est par la suite abordée à travers une lecture critique du Pr Yvette Rachel Kalieu Elongo.

  Stéphane Ebogo

Auteur : s. la dir. de Brigitte Djuidje Chatué

Nombre de pages : 514 pages

Date de publication :  2016

Editeur : Presses universitaires d'Afrique

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