Précisions sur la nature du Régime politique camerounais

Par NTAH à MATSAH Henri Martin Martial

Le droit constitutionnel en Afrique, notamment au Cameroun, n’a pas perdu ses réflexes. Il évolue d’ailleurs au sens de l’humilité. Cela signifie que le contenu et la pratique de cette science au Cameroun répondent aux besoins liés aux mutations socio-politiques, économiques et culturelles survenues dans le temps. C’est donc dans une logique assez acceptable, sinon incontestable que le professeur Magloire ONDOA [In la dé présidentialisation du régime politique camerounais, RAPD, Vol II, N°1. 2003] pense à propos du présidentialisme que « les concepts scientifiques n’ont pas la vertu de défier le temps [(…)]. Ils subissent nécessairement le vieillissement et la condamnation de l’histoire. Ils sont de la sorte réduits à l’humilité, car ils naissent, évoluent et meurent avant de renaître,parfois,  comme le phœnix, leurs cendres ».

Comme nous pouvons le constater, le cas relatif au «présidentialisme» ne fournit guère une exception à cette vérité.

Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile voire inapte pour certains auteurs  nationaux de rendre fidèlement compte de la nature du régime politique Camerounais. Mais cela ne devrait pas occulter, aussi bien l’immensité de leurs connaissances dans le domaine de la science du droit constitutionnel que leur capacité à interpréter l’esprit du constituant camerounais.

 

Présidentialisme

Par exemple le professeur Alain Didier OLINGA dans son ouvrage intitulé La Constitution de la république du Cameroun  paru aux éditions terres africaines (P.U.C.A.C) PP 49 à 61, pense que le régime politique camerounais est de nature présidentialiste. Pour cet éminent juriste camerounais, l’on assiste à travers le texte constitutionnel du 18 janvier 1996 « à une résurgence du présidentialisme dont l’un des traités majeurs est la personnalisation du pouvoir» [ouvrage précité P.51]. Contrairement au Dr. MOLUH YACOUBA qui pense que la nature du régime camerounais est « introuvable » [in L’introuvable nature du régime politique camerounais issu de la constitution du 18 janvier 1996, Fondation Friedrich-Ebert au Cameroun, la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun, aspects juridiques et politiques P. 249]. Le professeur A.D OLINGA a plutôt évoqué l’idée d’un « présidentialisme aménagé dans la constitution », qu’il soutient par celle d’une « pratique présidentielle du régime ». Par ailleurs, l’éminent juriste s’est malheureusement opposé à la « résurrection  du régime parlementaire camerounais » proposée par son homologue Magloire ONDOA [in Une résurrection : le parlementaire camerounais⌡. Sans avoir trouvé, il pense que le professeur Magloire ONDOA propose « une lecture paradoxale » du régime politique camerounais. Il justifie cela par le fait que le professeur ONDOA  affirme non seulement avec raison que « la constitution du 18 janvier 1996 se situe ainsi dans la continuité d’une approche présidentielle du pouvoir au Cameroun », mais encore de façon contestable « la nature parlementaire des mécanismes de fonctionnement du régime camerounais ».

 

Originalité

Or lorsque l’auteur parlait de la dénaturation des mécanismes du régime parlementaire, il n’estimait pas pour autant que le régime politique camerounais ne soit pas un régime parlementaire. Il faisait plutôt une précision sur la nature variable du régime politique Camerounais, bref sur l’originalité du régime parlementaire camerounais. Alors, ne pas être d’avis avec le professeur ONDOA serait renier l’esprit du texte constitutionnel qui prévoit d’une part la responsabilité du gouvernement  devant l’Assemblée Nationale (article 34 (3) de la constitution), et d’autre part, la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la république telles que prévues à l’article 8 (12) de la constitution.

Ce sont là les deux traits caractéristiques, bien que classiques, du régime parlementaire. Même si l’hyper puissance du chef de l’Etat est soutenue par le professeur OLINGA, n’existe-t-il pas ces deux traits caractéristiques dans la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 ?

A l’affirmative, nul ne saurait douter de leur existence, encore moins lorsque l’on reste dans une vision propre aux juristes positivistes. La résurrection du régime parlementaire camerounais dont parlait le professeur ONDOA visait plutôt le rattachement de l’idée d’évolution à celle de régime politique. Il est simplement question de prendre en compte toutes les structures sociales dans leurs aspects politiques, sans toutefois dénaturer l’esprit du constituant.

 

Identification

Le dirigisme présidentiel dont parle les professeurs Jean GIQUEL et André  HAURIOU [in Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Paris 8e éd, 1985 pp.208-209] ne devrait pas conduire une frange de la doctrine militant en faveur du droit constitutionnel camerounais à penser que le régime politique camerounais est de type présidentialiste ou même encore que sa nature est introuvable. C’est plutôt un régime politique africain post colonial au sens de Philippe LAUVAUX [in Les Grandes démocraties contemporaines PUF 2e éd. P.177], mais qui épouse les critères de classification ou d’identification d’un régime parlementaire tel que démontré toujours par Philippe LAUVAUX [op cit.] soutenu par le concours de Marie-Anne COHENDET in [Droit constitutionnel, MontChrestien 1er éd. 2000 p. 95]. Ainsi, le binôme responsabilité - dissolution constitue en conséquence de la charpente du parlementarisme. C’est d’ailleurs ce que s’évertue à démontrer le professeur Jean Claude COLLIARD [in Les Régimes parlementaires contemporains, FNSP, Paris 1978 pp. 18-19]. Même si pour une frange de la doctrine camerounaise, la pensée est qu’on évolue vers « un présidentialisme démocratique » (voir AD OLINGA in Cameroun,  vers un présidentialisme démocratique), il reste à dire que la réalité ou « la vérité des normes ou textes » au sens ‘’kelsennien’’ du terme en a décidé autrement.

 

Responsabilité

Il en va de même pour ce qui est des faits relatifs à l’existence de la formation des critères classiques d’un régime parlementaire tels l’affirmation d’une part du principe de responsabilité visant la question de confiance et la motion de censure, et la consécration du droit de dissolution d’autre part. Retenons que le caractère variable du régime politique camerounais ne devrait pas venir ôter l’essence parlementaire que la constitution lui reconnaît. Bien que le chef de l’Etat brille par son omniprésence dans tous les domaines de la vie politique au Cameroun, il reste que le Cameroun a opté pour le régime politique de type parlementaire. Rappelons en guise de conclusion qu’il n’existe que deux formes de régime politique à savoir : le régime présidentiel et le régime parlementaire. Leur pathologie, comme disait le professeur Maurice DUVERGER ne devrait pas conduire à dire qu’ils ne sont plus ni présidentiel ni parlementaire.

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