ETAT CIVIL : La bravoure des chefs traditionnels et religieux dans les actions de sensibilisation au Nord-Cameroun

L’enregistrement des faits d’état civil est une politique gouvernementale qui permet à tout citoyen et couple d’avoir une existence légale. Il est l’ensemble des dispositions légales et réglementaires dont l’objet est de situer dans le temps et dans l’espace les événements essentiels de la vie d’un être humain. Il facilite la gestion des identités des individus de la naissance jusqu’à la mort. Mais, il faut reconnaitre que ce système d’état civil connait des défaillances au niveau de son fonctionnement. Cette faiblesse se matérialise par la fragilité des dispositions législatives, un système de gestion du personnel de l’état civil peu adapté, un système non fiable, moins inclusif et qui ne dispose pas des statistiques démographiques. Au-delà de tous ces problèmes, les études ont démontré également que la population camerounaise en général et particulièrement celle de la zone rurale s’intéresse faiblement à l’état civil. Ceci est lié d’une part à l’image que la mairie ou le centre d’état civil véhicule à travers le rapport qu’il entretient avec les usagers et d’autre part à l’ignorance de l’importance et des procédures d’établissement des faits d’état civil et à la perception socio-culturelle des actes d’état civil. Face à ces différentes perceptions, l’on comprend que le besoin en sensibilisation communautaire se pose avec empressement.

LES BESOINS DE SENSIBILISATION 

Selon les études et les enquêtes effectuées par les instituts et les organisations internationales, le taux d’enregistrement de naissance des enfants de 0 à 5 ans est de moins de 60% dans la région du Nord. Cette situation préoccupante attire de plus en plus la conscience collective à s’investir dans le changement de comportement au moyen de la communication et de la sensibilisation communautaire sur l’état civil. C’est dans ce sens que les chefs traditionnels et religieux sont interpellés pour aider la population à prendre conscience de l’importance et de la nécessité de l’enregistrement de tous les faits d’état civil (naissance, de mariage et décès). Parmi ces leaders traditionnels et religieux, nous retrouvons les chefs religieux chrétiens, musulmans et les autorités traditionnelles.

LES RÔLES DES CHEFS TRADITIONNELS ET DES LEADERS RELIGIEUX DANS LA SOCIÉTÉ

Communiquer, sensibiliser, guider, instruire, protéger et défendre les intérêts de la population sont des rôles et responsabilités des chefs traditionnels et religieux. Pendant que les chefs traditionnels protègent, dirigent et organisent la population, les autorités religieuses chrétiennes et musulmanes guident et instruisent moralement la population. Ces rôles et responsabilités font de ces derniers des acteurs incontournables de développement local. Ces autorités interviennent dans la vie socioculturelle, politique et économique de leurs communautés. Ils sont au centre de toutes les actions de développement, d’innovation et de changement de comportement. C’est pour cette raison que, partout au Cameroun et en particulier dans la région du Nord, les leaders traditionnels et religieux sont régulièrement sollicités dans la mise en œuvre de toutes les actions de développement et de sensibilisation communautaire. Ces autorités influencent par leur pouvoir charismatique, politique et légal-rationnel, la vie de leurs communautés sur les plans politique, socio-économique, culturel et religieux.

LES CHEFS TRADITIONNELS ET RELIGIEUX SENSIBILISENT SUR L’ÉTAT CIVIL.

Emmener les gens à se défaire de leurs habitudes culturelles et de leurs perceptions socioculturelles n’est pas une tâche aisée. En effet, la population rurale de la région du Nord-Cameroun n’est pas totalement convaincue des bienfaits des actes d’état civil dans leur vie sociale et conjugale. Pour elle, l’on n’a pas besoin d’avoir un acte de naissance pour exister, ni l’acte de mariage pour être en couple et encore moins l’acte de décès pour exprimer la cessation de la vie d’une personne. Ici, la communauté suffit pour témoigner de notre existence et de notre relation conjugale. Cette manière de percevoir la vie sociale et conjugale provient des valeurs et mœurs reçus par les individus dans le cadre de leur éducation sociale et culturelle. A cela, on peut ajouter l’image négative que la population a développé à l’égard des mairies ou des centres d’état civil et des documents de l’état civil. Les actes d’état civil sont perçus comme des documents contraignants et une forme de domination de l’Etat sur la population. Face à ces différentes perceptions, il est évident de faire intervenir les leaders traditionnels et religieux pour communiquer et sensibiliser les communautés sur les bienfaits des actes des faits d’état civil. Cette sensibilisation consiste à emmener la population à lever les barrières socioculturelles qui l’empêchent de fréquenter les centres d’état civil, à se défaire de ses perceptions erronées des centres d’état civil et de prendre conscience de la nécessité des actes d’état civil.

IMPORTANCE ET EFFICACITÉ DE LA SENSIBILISATION

La bravoure des chefs traditionnels et religieux dans les actions de sensibilisation se manifeste par l’engagement que ces leaders ont pris pour encourager les populations à établir les actes d’état civil. Cette forte implication des chefs traditionnels et religieux dans la sensibilisation a permis à la communauté rurale de prendre conscience de l’importance et de la nécessité des actes d’état civil dans la vie d’un individu. Il faut noter que sans les chefs traditionnels et religieux, il serait difficile de convaincre les populations vivant en zone rurale sur l’importance des actes d’état civil. Ils ont une grande influence sur leurs communautés et ces communautés accordent une attention particulière à tout ce qu’ils disent. Ce rapport d’influence fait de ces leaders traditionnels et religieux des acteurs clés dans la vie politique et sociale au Cameroun.

En effet, pour sensibiliser la population, ces leaders traditionnels et religieux ont utilisé plusieurs moyens pour atteindre la population villageoise. La sensibilisation de masse a été faite dans les églises, mosquées et les chefferies ; de même, des focus group et la sensibilisation de porte à porte ont été organisés. Pour convaincre les populations de l’importance des actes d’état civil, ces autorités traditionnelles et religieuses ont premièrement fondé leurs arguments sur les éléments socio-politiques et culturelles qui témoignent de la nécessité de l’enregistrement des faits d’état civil tels que la jouissance de l’héritage des parents au moyen de l’acte de naissance, l’obtention de la carte nationale d’identité, l’accès à l’éducation, la sécurité de la femme et l’accès aux services sociaux de base. En deuxième lieu, leurs arguments étaient focalisés sur les passages bibliques et coraniques qui sont en rapport avec l’établissement des actes d’état civil. Partant de l’idée selon laquelle ni la Bible, ni le Coran et encore moins la coutume ne sont contre l’établissement des actes d’état civil, ces leaders traditionnels et religieux ont identifié et clarifié le lien qui existe entre la culture, la religion et l’état civil et ont également démontré que les actes d’état civil sont nécessaires pour tout citoyen et tout fidèle chrétien ou musulman. Ceci voudrait dire que ces leaders n’ont pas fondé leurs arguments sur des idées spéculatives, mais sur des arguments socio-politiques, culturels et religieux. Lors de leurs sessions de sensibilisation, ces différentes autorités ont touché par leurs paroles toutes les couches sociales et ont mis particulièrement l’accent sur les groupes défavorisés tels que les peulhs Mbororos, les personnes vivant dans des zones enclavées, ou encore les handicapés.

IMPACTS DE LA SENSIBILISATION DANS LA RÉGION DU NORD

Par ailleurs, nous pouvons dire que la sensibilisation faite en faveur des groupes défavorisés a eu un impact positif dans la vie de la population du Nord en général et particulièrement de celle des personnes marginalisées. Car, les peulhs Mbororos qui n’avaient pas une idée de ce qu’on entend par actes des faits d’état civil, ont commencé à s’intéresser à ces documents officiels. Ce groupe défavorisé enregistre de plus en plus leurs nouveau-nés à l’état civil. Au-delà de l’établissement des actes de naissance pour leurs enfants, ces peulhs Mbororos portent aussi un intérêt particulier sur le mariage civil et légalisent leur relation conjugale.   C’est le cas de l’un d’entre eux dans la commune de Rey-bouba qui, après avoir compris l’importance de l’acte de mariage dans la vie d’un couple, a pris l’engagement d’officialiser sa relation avec ses deux femmes (Photo). La célébration de ce mariage à l’état civil témoigne de l’efficacité des actions de sensibilisation, à travers les paroles prononcées par les autorités traditionnelles et religieuses.

CONCLUSION

En définitive, au Nord-Cameroun, l’on ne peut parler de la sensibilisation communautaire sur l’état civil sans évoquer le rôle des chefs traditionnels et religieux. Ces autorités jouent efficacement un rôle dans la sensibilisation de la population sur l’état civil. Sans ces leaders, il serait difficile d’atteindre les populations et leur parler de l’état civil. Car, en tant que autorités traditionnelles et religieuses, ces derniers ont le pouvoir et le privilège de communiquer et de sensibiliser leurs communautés sur les bienfaits des actes d’état civil dans la vie d’un individu. Malgré les efforts effectués par les chefs traditionnels et religieux dans les actions de sensibilisation, un travail de prise de conscience sur l’importance des actes d’état civil reste encore une nécessité dans la région du Nord-Cameroun. Car, il existe encore dans cette région des personnes qui n’ont jamais entendu parler de l’état civil à cause de leur enclavement ou de leur distance par rapport au centre d’état civil. A celles-là, il faut ajouter des personnes qui par peur des institutions d’état civil, développent une réticence envers les centres d’état civil et du personnel de l’état civil.

Programme d’Appui à la Modernisation de l’Etat Civil de la GIZ (GIZ/PAMEC), mis en oeuvre sous la tutelle du Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDEVEL).

 

 

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