Droit d’auteur et des droits voisins : Aperçu sur la gestion collective au Cameroun au regard de l’actualité de la SOCAM

Gabriel KEMJE bate
Master Analyse du travail et développement des compétences, Expert en Droit d’auteur et droits voisins

L’actualité de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins au Cameroun devra interpeller toute personne intéressée par la construction du système camerounais en la matière. Cet ouvrage qui est à la recherche des conditions de  son essor connaît une édification lente, mais encourageante.L’émancipation des organes chargés d’accomplir les activités y afférentes a été l’un des enjeux majeurs de la loi n°011/2000 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. Mais les textes à eux seuls ne suffisent pas à faire de cette institution, récente dans l’environnement camerounais, une réalité fonctionnelle. Dans un environnement dominé par une réception descendante des textes réglementaires, où les institutions résultent non pas de la matérialisation des aspirations des acteurs dans une construction progressive, mais de la transcription des idéaux du pouvoir central, des autorités publiques ont conservé leur dirigisme et interviennent au quotidien dans la gestion de ces droits. Historiquement, dans les pays ayant une forte tradition de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins, la naissance des organismes de gestion collective a accompagné le combat pour la reconnaissance du droit d’auteur et des droits voisins. Il s’agit donc d’une institution ancienne dont l’avènement n’a attendu ni l’onction du Parlement, ni l’acte du prince. Notre héritage du système français en matière de droit écrit a conduit à une réception de la gestion collective, en toute évidence, sans avoir à nous interroger sur ses fondements et ses contours. Ses avantages sont indéniables, mais sa mise en place devrait bénéficier d’un réel accompagnement afin d’éviter les travers auxquels conduisent inéluctablement sa déformation ou son instrumentalisation. Cettetâche et les arbitrages nécessairessont du ressort des pouvoirs publics qui s’y évertuent avec des fortunes diverses.
Au Cameroun, depuis la loi de 2000, la gestion collective, en particulier dans le domaine de la musique a connu plusieurs turbulences, ayant entrainé maintes interventions du ministre chargé des Arts et de la Culture. Les actions de cette autorité sont prévues et encadrées par le droit, tout comme la création et le fonctionnement des organismes concernés. L’acte grave du ministre des Arts et de  la culture vis-à-vis des organisations de gestion collective est  l’agrément. Celui-ci est régi par les articles 19 et suivants du décret n° 2001/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de la loi n°2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. Ce précieux sésame étant requis pour exercer les activités de gestion collective, il reste l’unique arme de dissuasion à la disposition de cette autorité à l’égard desdits organismes.Cette dernière peut agir sur le curseur de la suspension, du retrait ou du refus de renouvellement à l’expiration du terme de cinq ans.

Statut des organismes de gestion collective
A la différence de la majorité des pays de l’Afrique subsaharienne où la gestion collective est exercée par des organismes sous tutelle des pouvoirs publics, le système camerounais a amorcé la phase 3 de son développement local, prenant acte de la volonté manifeste du législateur de promouvoir l’initiative privée.
Cette évolution était marquée par d’importantes mutations au sujet du statut de ces organismes. Dépassant la simple évocation de  la gestion collective comme modalité d’exercice des droits dans les lois de 1982 et 1990 qui n’y consacraient que deux articles, respectivement l’article 53 et l’article 92, le législateur camerounais a marqué sa volonté d’organiser plus profondément cette institution, en lui consacrant un titre entier de la loi  n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, dont le décret d’application lui réserve un chapitre. Il devient désormais impérieux de l’aborder comme une entité juridique obéissant à un régime bien déterminé, et d’éviter les écueils d’une assimilation rapide, qui prêterait à l’extension erronée de l’empire du droit public. L’article 20 du décret d’application de la loi du 19 décembre 2000 exige la forme d’une société civile ou de personne morale à but non lucratif. Il s’agit d’un acquis qui ne saurait être bradé.
L’ère du décret n°79/391 du 22 septembre 1979 portant création de la Société Camerounaise du Droit d’Auteur (SOCADA) qui était« …un établissement public …placé sous la tutelle du Ministère de la culture… », est révolue. Les sociétés en exercice au Cameroun conformément à l’article 20 du décret du 1er novembre 2001, ont adopté la forme de société civile régie par les statuts et textes subséquents, émanation de la volonté souveraine de leurs membres.

Le pouvoir limité du ministre des Arts et de  la Culture : l’intervention raisonnée
La loi n’ayant pas prévu de tutelle au profit des pouvoirs publics, les organismes de gestion collective ont le droit de s’administrer librement; quitte à s’exposer à des sanctions de la part du ministère des Arts et de  la Culture, en lien avec l’octroi ou le maintien de l’agrément. L’immixtion de cette autorité dans la gestion quotidienne des organismes de gestion collective serait illégale, passible de recours pour excès de pouvoir, de même que toute décision tendant à substituer un organe issu des pouvoirs publics aux organes statutaires.
La création par la Décision n°0130 /MINAC/CAB du 09 septembre 2013 du comité de réflexion sur la révision des textes fondamentaux applicables à la société civile camerounaise des arts musicaux  ayant pour mission « un toilettage exhaustif des statuts, du code électoral, ainsi que le règlement régissant l’organisation et le fonctionnement de la Société Civile Camerounaise de l’Art Musical (SOCAM) » est entachée de maladresse. Cette prérogative qui revient aux seuls membres de cette société civile. Quel sort réservé aux actes du comité ainsi créé? Y aura-t-il une inscription obligatoire à l’ordre du jour de l’assemblée générale aux fins d’être transcrits en modification statutaire sous peine de refus de renouvellement de l’agrément? Ce qui poserait un problème de l’autonomie de la volonté et serait de ce fait immonde!
Une incitation à l’évolution des textes organiques aurait pu être envisagée, en période  d’exercice, associant la pédagogie comme nous pouvons le relever par le passé dans les circulaires des ministres de l’information et de la culture en mai 1973 en août 1975 concernant respectivement la promotion et le respect des droits concernés, et mesures comminatoires laissant la possibilité d’agir ou non.Rien n’empêche le ministre de diligenter une étude sur les voies et moyens pour développer l’activité, afin de faire les préconisations pertinentes aux organismes concernés, sous leur responsabilité, au lieu de viser-une substitution aux cocontractants un organe d’émanation administrative – une infantilisation.
La mainmise des pouvoirs publics à travers cette tutelle de fait n’est pas le moyen adéquat pour soutenir le développement et l’émancipation de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins au Cameroun. Le souci d’apporter, de rechercher les solutions aux problèmes rencontrés est à saluer, mais le fait d’y procéder par des incursions exagérées dans la sphère du privé irrite. Le problème est celui du déficit organisationnel et de la crise des compétences dans les organismes de gestion collective. Il convient de les rendre aptes à répondre aux défis auxquels ils sont appelés en comblant le déphasage lié à une importation mécanique d’une institution dans notre système juridique qui a manqué de la domestiquer. L’appropriation de la gestion collective est moins une question de textes organiques que celle de sa perception par les acteurs qui y agissent.
Le ministère des Arts et de  la Culture manque à sa mission en créant une situation dans laquelle aucun organisme n’est légitime pour exercer les prérogatives des titulaires de droits et engage ainsi sa propre responsabilité. La SOCAM qui a certes brillé par son manque de génie, n’a jamais su couvrir l’intégralité de l’assiette des  droits d’auteur et droit voisins en relation avec la musique. Une telle situation fragilise l’organisme de gestion collective concerné, touten réduisant à la misère les ayants droits. Elle met en même temps en échec les pouvoirs publicsdans la poursuite de leurs missions d’intérêt général.

Un toilettage exhaustif: objet incertain et vain
Les textes de la SOCAM sont loin d’être vertueux et méritent d’être améliorés. La simplicité apparente de la mission est trompeuse. Le terme toilettage est pauvre en sens dans le contexte présent. Au figuré, selon le Robert, toiletter c’est retoucher légèrement. Aborder au sens de faire la toilette, c’est une opération plus intense: bien fait, le toilettage ne peut qu’être exhaustif, il renvoie à l’ensemble des soins de propreté. C’est donc un pléonasme que de le dire tel. Cette mission suppose non seulement la parfaite connaissance des imperfections, mais aussi celle des méthodes adéquates pour les traiter. Est-il possible de disposer d’un tel pouvoir en matière d’organisation ? Il est vrai qu’on peut améliorer sans pourtant prétendre à un si glorieux résultat, en matière d’organisation. La connaissance exhaustive de l’objet, que suppose le toilettage, en sciences sociales est une utopie.
La tâche qui se dégage de la mission a peu de chance d’aboutir au regard de la pléthore des membres nommés au comité qui pose la question de la méthode de travail à mettre en œuvre. La situation requiert un traitement réussi de fond, plus qu’un simple consensus, même s’il s’agit d’experts en organisation. C’est d’ailleurs confondre en mauvaise foi ce beau monde qui, ayant  la capacité d’éviter le désastre, aurait attendu le sacre à travers la nomination au comité de réflexion pour se mettre à l’œuvre.

Un toilettage possible : retoucher légèrement la loi
Au-delà des statuts de la SOCAM notamment, il faudrait envisager de reformuler la loi qui dit maladroitement « qu’il ne peut être créé qu’un organisme par catégorie de droit d’auteur et des droits voisins » ; comment un organisme (nouveau) peut-il demander l’agrément sans être créé ? Pour son renouvellement, doit-on déduire la tacite reconduction si le ministre des Arts et de  la culture n’a pas répondu à la demande au bout du délai de soixante jours imparti, pire lorsqu’aucun organisme ne bénéficie d’un agrément en cours de validité dans une catégorie déterminée. Tolérance administrative ? Sera-t-il question d’octroi d’un nouvel agrément ou de renouvellement ? Enfin, un organisme de gestion collective a-t-il  qualité pour ester en justice pour défendre les droits dont il  a statutairement la charge après l’expiration de son agrément ?
S’il est vrai qu’il n’existe pas de texte parfait, il l’est tout aussi vrai que seule l’habileté des acteurs en charge de sa mise en œuvre permet d’en combler les lacunes.Tel est le défi afin que d’acquis en acquis se construise véritablement une gestion collective pour améliorer le quotidien de ceux qui s’adonnent à la divine entreprise de la création.

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