Dr Raymond Ebalé: «J’ai voulu prospecter le devenir de la relation ACP/UE au-delà de 2020.

L’auteur revisite l’accord de Cotonou liant les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) à l’Union Européenne à quelques années de son terme. De l’avis du Dr. Ebalé, 2020 sonne le glas de ce partenariat voué à l’échec dès le début. Quelles nouvelles perspectiove?D’où son exhortation à la réflexion à l’endroit des ACP.

Pourquoi avoir choisi d’écrire ce livre maintenant, à 05 ans du terme de l’Accord de Cotonou ?
Mon ouvrage est une réflexion globale et prospective sur la relation ACP-UE à l’aune de la fin de l’Accord de Cotonou qui s’achève en 2020. J’ai voulu prospecter le devenir de cette relation au-delà de cette période. Ma principale motivation a été de réveiller les dirigeants africains sur cette question cruciale. En effet ma position de chercheur dans le domaine des relations ACP-UE m’a amené à constater que 05 ans avant le terme de Cotonou, qu’alors qu’en Europe la réflexion sur l’avenir du partenariat post 2020 était presque bouclé, chez les ACP en général et en Afrique en particulier – qui constitue de fait le principal partenaire de l’UE – rien ne bouge. J’ai voulu tout simplement ramener à la lumière tous les débats en cours sur l’après 2020, débats qui circulent pour la plupart dans les milieux très fermés des experts et des agences diplomatiques. J’espère avoir fait œuvre utile

Les APE sont-ils une illusion ?

Non ! Les APE constituent bien une réalité, puisqu’on en parle et qu’ils ont bien été négociés, signés et ratifiés par les uns et les autres. Si c’est l’illusion dans les sens qu’ils ne répondront pas à leurs attentes, à ce moment je répondrai que oui, ils sont illusion qu’on est venue nous proposer mais que nous avons accepté.

Les accords intermédiaires ont-ils été une bonne stratégie ?

Mon avis non. Surtout lorsqu’ils ont été signés de manière bilatérale comme le fut le cas du Cameroun. Car les accords intermédiaires ont fragilisé les régions qui ne pouvaient plus négocier en bloc. Cela a eu un très mauvais impact sur l’harmonie des intégrations régionales

Quel bilan peut-on dresser de l’Accord de Cotonou ?

Je ne connais aucune évaluation qui ait déjà été faite dans ce sens à ce jour. Mais s’il faille dire un mot, je dirais que l’Accord de Cotonou a un accord raté au regard de ses objectifs de départ de lutter contre la pauvreté. On l’a dit à sa signature, Cotonou a été un accord très libéral qui laissé peu de place au volet développement pour se consacrer aux négociations commerciales avec les APE. Vous conviendrez avec moi que toute l’énergie de cet accord a été déversée dans les éternelles négociations des APE dans toutes les régions ACP. Cotonou a un non bilan

Quel sont les perspectives proposées ?

Les perspectives sont à la mesure des scénarios qui détermineront l’après Cotonou en 2020 et que l’ouvrage présente dans son chapitre 5. Soit le partenariat va continuer, soit il va s’arrêter. Dans tous les cas les 05 prochaines années vont être décisives pour l’avenir post Cotonou parce qu’il va falloir se déterminer d’un côté et de l’autre, celui de l’UE et celui des ACP. C’est vrai le 11ème Fonds européen de développement (FED) a été signé sur la période 2014-2020 mais les dirigeants africains doivent savoir que cela ne signifie et ne garantit rien sur la poursuite de la relation après 2020. Je pense pour ma part qu’il va falloir que les deux blocs s’asseyent et parlent franchement de l’avenir, sans hypocrisie aucune. Les signes relevés dans l’ouvrage montrent d’ore et déjà que l’UE n’est plus du tout très engagée à perpétuer cette relation avec les ACP.

Pourquoi dites-vous que les ACP constituent un groupe congénitalement malade ?
Le groupe ACP est un groupe historique raté dès sa naissance en 1974. Car il est incompréhensible qu’on ait en semble de tous petits Etats insulaires, de la taille parfois d’un département du Cameroun, perdus quelques parts dans les Caraïbes et le Pacifique, sans économie apparente, avec un mastodonte comme l’Afrique, pour dire coopérer avec l’UE. Les distances géographique, économique, sociologique, politique voire culturelle n’ont jamais fait du groupe ACP un groupe cohérent, obligé pour cela d’installer son Secrétariat général à Bruxelles, parfois aux frais de l’UE. Vous pouvez donc imaginer tous les tracas qui ont existé et existent encore à le faire fonctionner. L’UE en a grandement profité. C’est pourquoi je suis d’avis que ce groupe doit exploser en 2020 et que l’Afrique bâtisse un nouveau partenariat avec l’Europe.

Quelle doit donc être la stratégie des ACP après 2020 ?
Le dernier chapitre de l’ouvrage évoque cette question. Cela sera  à eux de se déterminer en considérant que l’UE n’est plus très chaude à poursuivre cette relation. Quel sens veulent-ils donner au groupe ? Et pourquoi ? Voilà l’une des raisons qui justifie mon ouvrage. Car c’est à ce moment précis que la réflexion doit déjà se faire pour qu’en 2020, tout soit clarifié. C’est un grand défi pour les dirigeants ACP.

Propos recueillis par Stephane Ebogo